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L'hon.
Bill Blaikie, député; L'hon.
Don Boudria; J. Patrick Boyer; Madeleine Dalphond-Guiral; L'hon.
Lorne Nystrom
Une communauté saine respecte les idées de ses aînés. Le 3 mai 2006, la
Bibliothèque du Parlement, de concert avec lAssociation canadienne des
anciens parlementaires, a organisé une table ronde réunissant quelques
législateurs chevronnés. On a demandé aux participants de suggérer au moins
trois moyens daméliorer la Chambre des communes. Évidemment, aucune des
mesures proposées na fait lunanimité ni même recueilli un consensus,
mais lexercice a été très stimulant pour ceux et celles qui croient en
la nécessité dune réforme de la procédure. Député progressiste-conservateur
de 1984 à 1993, Patrick Boyer a exercé les fonctions de secrétaire parlementaire
auprès dun certain nombre de ministres, dont ceux des Affaires extérieures,
de la Défense nationale, de lIndustrie, des Sciences et de la Technologie,
et de la Consommation et des Affaires commerciales. Don Boudria, député
libéral de 1984 à 2004, a été ministre, leader du gouvernement à la Chambre
et président du Comité permanent de la procédure et des élections. Madeleine
Dalphond-Guiral a défendu les couleurs du Bloc Québécois à la Chambre des
communes de 1993 à 2004. Elle est devenue la première femme à occuper les
fonctions de whip de lopposition officielle. Lorne Nystrom, député néo-démocrate
de 1968 à 2004, sauf pour un bref intermède entre 1993 et 1997, a occupé
plusieurs postes, dont ceux de leader adjoint à la Chambre et de whip adjoint.
Bill Blaikie a fait son entrée à la Chambre en 1979. Il a été membre du
Comité spécial du Règlement et de la procédure, ainsi que du Comité spécial
sur la réforme de la Chambre des communes. Il a été choisi vice-président
de la Chambre des communes en 2006. Cest lui qui a présidé la discussion,
dont voici le résumé. On peut se procurer la transcription complète des
interventions auprès de la Bibliothèque du Parlement.
Bill Blaikie : Avant de demander à nos invités de nous recommander ce quils
considèrent être les trois améliorations les plus importantes à apporter
au Parlement, je dirais quil y a, en fait, eu beaucoup de changements.
Quand on parle du Parlement ou des politiques gouvernementales, on a tendance
à dire que rien ne change jamais. Eh bien, moi, je peux vous dire quen
27 ans, cest loin dêtre le cas. Quantité de choses ont changé, aussi bien
au pays quau Parlement. Que les changements aient eu leffet escompté
ou non ou quils aient eu ou non des conséquences imprévues, cest une
autre paire de manches.
À mon arrivée ici, il ny avait pas de calendrier parlementaire. Il y avait
des séances en soirée. Les députés siégeaient souvent tout lété. Le président
était nommé et non élu par scrutin secret. Il ny avait pas de période
de questions et dobservations après les discours. Cétait une suite ininterrompue
de discours de 40 minutes ennuyeux à mourir.
Je le rappelle parce que je constate souvent que les nouveaux députés imaginent
que le lieu quils voient a toujours été ainsi. Je prends plaisir à leur
dire: « Vous savez, avant, on ne pouvait pas faire ça. » « Quest-ce que vous
voulez dire? » « Eh bien, on ne pouvait pas se lever pour poser une question
à quelquun. » « Vous rigolez? » Il y a donc beaucoup de choses qui ont changé.
Il en est ainsi des affaires émanant des députés. Tout est mis aux voix
aujourdhui. Quand je suis arrivé, rien ne létait. On a ensuite plus ou
moins coupé la poire en deux et cest sans doute là quon aurait dû en
rester. On a ensuite modifié tout le concept de confiance et on a supprimé
du Règlement les formules qui sy rapportaient, de sorte que seules les
questions désignées ainsi sont des questions de confiance. Le Bureau de
régie interne était la chasse gardée du gouvernement. Aucun député de lopposition
ny siégeait. Pourrait-on seulement envisager une telle situation aujourdhui?
Il est donc arrivé bien des choses et je pourrais multiplier les exemples.
Aujourdhui, on envisage des choses qui auraient été inconcevables à une
certaine époque, comme la modification du mode de financement des campagnes
électorales, question qui ne relève pas à strictement parler du Parlement.
Il est question de dates fixes pour les élections et de nomination des
scrutateurs en fonction du mérite. Il y aura un débat sur NORAD et un vote
sur le traité, ce qui est une avancée capitale au Parlement, puisque jamais
nous navons obtenu de débat ni de vote sur un traité international comme
celui-là. Il y a donc du mouvement, mais beaucoup dautres choses doivent
encore bouger, cest évident.
Patrick Boyer : La Chambre des communes est une institution en évolution
constante, et on nous demande de proposer trois changements au Parlement
dans sa version actuelle. Il ne sagit pas pour nous de suggérer des changements
de portée plus vaste, notamment sur notre système électoral ou dautres
enjeux dactualité. Au Parlement même, on se concentre souvent sur la période
des questions, sur les possibilités damélioration de son climat et de
son déroulement. Au fond, je dirais de ne pas toucher à la période des
questions, qui a ses avantages et ses inconvénients.
La période des questions est le moment tout indiqué pour que le Parlement
exerce son droit dexiger des comptes et pour que les députés rivalisent
avec leurs homologues afin de pouvoir interroger le gouvernement. Comment
se fait-il que la période des questions ait été placée sous le contrôle
des partis?
Lun des problèmes auxquels il faut sattaquer, cest le sectarisme excessif
quon constate au Parlement et qui va au-delà de ce qui est nécessaire
pour assurer la cohésion des partis politiques. Ce sectarisme entrave maintenant
le libre fonctionnement du Parlement. Par exemple, il faut se présenter
à 8 heures devant le whip de son parti ou son représentant désigné et justifier
son projet de poser une question. Tout maintenant est fonction des sondages
dopinion et dautres questions de positionnement, cest-à-dire de facteurs
qui nont rien à voir avec le lien direct qui doit exister entre les élus
et leurs électeurs et avec la capacité des députés de réclamer que le gouvernement
leur rende des comptes sur les enjeux qui les intéressent.
À lheure actuelle, le président naccorde la parole pendant la période
des questions quaux députés dont le nom figure sur une liste établie par
les partis. Doù vient cette pratique dans une assemblée représentative
de députés élus?
(Patrick
Boyer)
Jinviterais les nouveaux députés à faire ce que jai fait lorsque je siégeais
à la Chambre, à savoir aller tout au haut de la tribune du public et suivre
les débats à partir de là. On a limpression de voir un champ de bataille
où saffrontent deux camps sous le regard des journalistes et des spectateurs.
Tant quon nest pas monté et quon na pas constaté ce phénomène physique,
on ne se rend pas compte à quel point laménagement détermine la culture.
Daucuns disent que les députés doivent adopter un comportement plus digne
pendant la période des questions. Ny pensez pas. Il est impossible de
modifier la culture tant quon naura pas changé laménagement de la Chambre.
Notre système est entièrement fondé sur la confrontation. Cest ainsi que
notre parlement fonctionne, mais les autres ne lui ressemblent pas tous.
Dans bon nombre dassemblées, les députés sont assis en cercle.
Le système conflictuel est jugé dysfonctionnel dans dautres segments de
notre société. Dans les tribunaux, le règlement extrajudiciaire des différends
est un secteur en expansion rapide. Ainsi, nous navons pas à nous affronter
comme des combattants. Il sagit dun moyen de se réunir et déchanger
dune façon raisonnable. Il existe donc des solutions de rechange.
Deuxièmement, je suggère linstauration du vote électronique. Un vote rapide
et un calcul prompt des résultats constitueraient une étape très importante.
Lors de mon séjour à Helsinki, je me souviens avoir vu le Parlement finlandais
effectuer de 12 à 15 votes environ en une quinzaine de minutes. Chaque député
disposait dune clé qui lui permettait de déverrouiller un mécanisme et
de pousser sur un bouton : rouge (contre), vert (pour) ou blanc (abstention).
Quelques secondes plus tard, on connaissait les résultats.
Mettez cette situation en contraste avec celle qui prévaut dans notre système.
Lorsque jétais député ministériel, jai voté trois fois contre un projet
de loi proposé par le gouvernement, alors quon sattendait que je vote
pour. Ce nest pas la chose la plus facile à faire lorsque les noms sont
lus à haute voix une rangée après lautre, que le vote est télévisé, que
tout le monde regarde, quon se lève non avec les membres de son parti,
mais avec ceux de lopposition et quon vote comme elle. Cest alors que
les railleries et les sifflets se font entendre et quon parle de scission
au sein du parti. Cest éprouvant et on envoie un message dissuasif aux
parlementaires.
À mon avis, le vote électronique enlèverait une partie du fardeau institutionnel
qui opprime un grand nombre de députés. On parle de votes libres au Parlement.
Eh bien, linstauration du vote électronique représente le vrai moyen de
sassurer quils deviennent une réalité.
Enfin, je voudrais dire quelques mots sur les comités. Je crois que cest
au sein des comités que se fait le gros du travail au Parlement. Un député
devrait siéger au sein du même comité pendant toute une législature, à
moins quil naccède au cabinet ou à moins quil ne démissionne de son
propre chef. Il ne faudrait pas quun député soit retiré dun comité ou
déplacé simplement parce que les questions quil pose sont jugées dérangeantes
pour un membre de la structure du pouvoir. Il sest trop souvent produit,
sous différents gouvernements, quon porte atteinte à lindépendance des
parlementaires dans les comités. Les députés devraient donc siéger au même
comité pendant toute une législature, ce qui leur permettrait de bien se
familiariser avec les domaines visés par les lois relevant du mandat de
ce comité.
Pour terminer, je dois dire que je suis également préoccupé par les communications.
Le public ne sait pas ce qui se passe dans les comités. On nous affirme
quil est impossible de voir lexcellent travail que nous effectuons dans
les comités parce que personne nen assure plus la couverture. Cependant,
ce problème ne devrait pas demeurer irrésolu. Cest le Parlement lui-même
qui a décidé de créer CPAC. Le Parlement peut, de sa propre initiative,
consacrer des ressources à lutilisation dInternet pour les travaux des
comités. Nous sommes dans une nouvelle ère de communication. Les comités
parlementaires peuvent en tirer parti, sadresser directement aux citoyens
et procéder à toutes sortes déchanges au moyen de la télévision, dInternet
et de projets de communication instaurés par le Parlement. Racontez lhistoire
et les gens lentendront.
Don Boudria : Je suis daccord avec le président quand il affirme quil
nest pas vrai de dire que le Parlement na jamais évolué et na jamais
connu de réforme. Ce ne sont pas non plus tous les règlements que nous
avons adoptés qui ont permis daméliorer la situation. Nous sommes parfois
allés trop loin à certains égards.
Dailleurs, souvenez-vous des débats dil y a quelques années lorsque nous
parlions de revenir à la situation antérieure dans le cas de létape du
rapport. Cela sétait passé après que nous avons passé plusieurs nuits
à voter sur des amendements qui nen étaient pas vraiment, au sujet des
Nisgaa et dautres questions de ce genre. On avait laissé létape du rapport
sécarter de sa définition initiale avec pour effet que nimporte qui pouvait
présenter nimporte quoi qui ressemblait à un amendement, et le président
permettait que cela reste inscrit au Feuilleton. Après les élections de
2000, alors que jétais leader à la Chambre, nous sommes allés à Westminster.
À notre retour, nous avons simplement adopté une motion disant que, dorénavant,
le président allait traiter létape du rapport conformément aux pratiques
traditionnelles. Cela voulait dire que nous nous étions débarrassés de
ces prétendues améliorations proposées pour létape du rapport et à revenir
à la procédure antérieure. Depuis lors, létude des projets de loi peut
à nouveau avancer, parce que, à toutes fins pratiques, ce nétait plus
le cas avant cela. Tout ne constitue donc pas une amélioration.
À partir de 1985, le rapport McGrath a joué un rôle très important. À mon
avis, on ne peut pas parler de réforme parlementaire sans le mentionner.
Il a changé beaucoup de choses. Jétais ici avant et après sa publication.
Tous les changements que ce document a amenés ne se sont pas fait sentir
dès le premier jour. Quand on a accepté de changer le mode délection du
président, il sagissait dun changement théorique. Nous navons certainement
pas eu un nouveau président le jour même.
Nous navons eu un nouveau président que deux ans plus tard. John A. Fraser
a alors été élu. Nous estimions que cette nouvelle façon de faire fonctionnait
plutôt bien. Il sagissait dun nouvel ensemble de règles. À mon avis,
les résultats ont été extraordinaires. Au fond, à partir de ce moment,
le président a cessé dêtre le président du premier ministre ou du gouvernement :
il est devenu notre président. Et cest encore le cas aujourdhui.
Même si le rapport McGrath navait contenu que cette recommandation, il
aurait été utile. Il a toutefois eu pour effet de changer tout un tas dautres
choses également. Certes, après McGrath, pendant plusieurs années, il ny
a eu guère de changements. Après 1993, Herb Gray avait instauré, sans tambour
ni trompette, deux modifications avec lappui de lopposition. Lune de
ces modifications concernait les plans et les priorités, les estimations
concernant les années à venir plutôt que lannée en cours. Je ne pense
pas que cette modification a vraiment été très utile. À moins que les parlementaires
ne sen soient vraiment pas servis comme ils lauraient pu? Il serait intéressant
den discuter.
Le second élément est le processus de consultation budgétaire, qui est
maintenant institutionnalisé. Pensez-vous quun comité puisse ne pas se
déplacer et entendre des témoins sur la préparation du budget, dès lors
que cela fait 10 ans que nous procédons de cette façon? Je pense que ce
ne serait plus possible. Un premier ministre qui voudrait faire marche
arrière serait jugé comme étant totalement rétrograde.
Ensuite, il y a eu les trois rapports du Comité de modernisation, dont
je faisais partie. Nous avons modifié toute une série darticles du Règlement.
Toutes les affaires émanant des députés pouvaient faire lobjet dun vote.
Je pense que cela faisait partie de la troisième phase de la modernisation.
La première phase avait été consacrée à dautres éléments du Règlement
de la Chambre des communes, notamment à la marche à suivre pour létude
des prévisions budgétaires annuelles, par exemple en se concentrant sur
un ministre et en le faisant comparaître à la Chambre un soir de juin.
Au chapitre des nominations, les hauts fonctionnaires de la Chambre des
communes et du Parlement sont maintenant désignés par un comité, puis par
toute la Chambre. Tout cela figurait dans les rapports du Comité de modernisation
que javais aidé à composer en ma qualité de leader à la Chambre, avec,
bien entendu, le concours de tous les partis politiques de lépoque. Je
crois donc que dimportants changements ont été apportés.
Pour ce qui est des comités et, ici, je ne suis pas daccord avec M. Boyer ,
je ne pense pas que les nominations pêchent en quoi que ce soit du fait
que cest le whip qui a le pouvoir dy procéder au nom de son parti. Les
comités constituent un microcosme de la Chambre, nous ladmettons tous,
et cela se répercute dans la façon dont nous nommons leurs membres. Je
pense que ce volet-là marche bien. Par contre, là où cela ne marche pas
du tout, cest que, chaque année en septembre, il faut faire semblant quil
y a eu des élections pendant lété, relancer tous les comités et gaspiller
des semaines et des semaines du temps de la Chambre à cet effet.
Personne ne peut mexpliquer pourquoi le Parlement indien, le Parlement
tunisien, et le Parlement saoudien ont le vote électronique et pas nous,
alors pourtant que nous sommes lune des démocraties les plus libérales
au monde. (Don Boudria)
Cette situation cloche absolument. Il sagit dun gaspillage de temps pour
tout le monde. Beaucoup de travail utile ne peut être entamé parce que
tel ou tel parti na pas remis sa liste à temps, quil lui faut négocier
avec tel ou tel député qui ne veut pas vraiment faire partie de tel ou
tel comité. Tout le processus se trouve ainsi bloqué chaque année au mois
de septembre précisément à cause de ce genre de chose, et cela sans raison
logique. Il faudrait que la liste soit permanente pour la durée de la législature.
Ici, je suis daccord avec M. Boyer, sauf que je ne pense pas quil faille
révoquer le pouvoir qua le whip de remplacer un membre. Ça ressemble donc
un peu à ce que disait M. Boyer, mais pas tout à fait, si je peux établir
cette distinction.
En ce qui concerne le travail des comités en général, je suis allé au Royaume-Uni,
en France, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans plusieurs autres pays
dans le cadre de certaines de ces études de modernisation. Aucun de ces
pays na de comité qui vaille les nôtres. Peut-être existe-t-il des lacunes
à bien des égards, mais, en règle générale, au Canada, chaque projet de
loi est étudié par un comité. Dans presque chaque cas, on entend des témoins,
dont le ministre, des citoyens, des représentants de la société civile
et dautres qui veulent témoigner pour nous dire que tel ou tel article
du projet de loi est bon ou mauvais.
Cela nexiste nulle part ailleurs. Comparez cette façon de faire à ce qui
existe en France, au Royaume-Uni ou ailleurs. Toute comparaison est impossible.
Ce nest pas du tout la même chose. Ce que nous faisons ici est très bon.
Je pense que ceux qui ont mis en place certaines de ces structures ont
besoin dêtre encouragés et, aussi, que les structures nécessitent dautres
améliorations.
Les comités peuvent maintenant utiliser deux salles équipées en permanence
pour la télévision, plus une troisième à loccasion. Ce que je leur reproche
ici, cest quils ne profitent pas toujours de cette possibilité. Il arrive
souvent que les salles équipées pour la télévision ne servent pas pour
des séances télédiffusées parce que les députés ne veulent pas sen servir
pour cela. Ce nest donc pas toujours un manque de ressources, cest également
le manque de volonté dutiliser les ressources à loccasion. Si les députés
pouvaient se faire à lidée quil faut les utiliser davantage, ce serait
bien.
Pour ce qui est des attitudes partisanes pendant la période des questions,
je crois que les opinions varient énormément selon le point de vue. Certes,
la période des questions est désormais davantage structurée selon les partis.
Elle ressemble davantage aujourdhui au modèle britannique que ce nétait
le cas jadis. De nos jours, les deux Chambres des communes se ressemblent
plus ou moins, sauf quau Canada, cest tout lexécutif qui est dans le
collimateur, alors quau Royaume-Uni, chaque jour, il ny a que quatre
ministres à qui les députés posent des questions, excepté le mercredi,
où il ny en a que trois.
Il y a donc peut-être plus de partisanerie ici, mais il y en a aussi moins
dans les comités. Lélection des présidents des comités se fait au scrutin
secret, et ainsi de suite. La partisanerie est moins présente dans les
comités et elle lest davantage ailleurs. Je pense cependant que ce nest
pas aussi tranché que nous semblons vouloir le dire.
Quels sont les trois éléments quil faudrait faire changer? Le premier
et je suis heureux que Patrick en ait parlé , cest le vote électronique.
Jétais à deux doigts de lobtenir et jai laissé passer ma chance. En 1997,
tous les partis étaient daccord. Puis, au sein de mon propre parti, il
y a eu un peu de résistance pas beaucoup, juste un tout petit peu et les
autorités mont dit alors : « Ne pourriez-vous pas temporiser un peu? », ce
que jai fait, et jai eu tort. Jaurais dû insister, car nous laurions
eu. Voilà donc une grosse carence.
On a beau dire que nos greffiers sont des gens formidables qui parviennent
à reconnaître le moindre député par son nom. Cest un talent, certes, mais
lorsquon vote de cette façon, peut-on parler defficacité?
Les nominations aux comités constituaient mon premier point et le vote
électronique, le deuxième. En troisième lieu, je crois sincèrement quen
ce qui concerne les projets de loi émanant des députés, même si, dans lensemble,
cest assez bon, il reste une grosse lacune. Il sagit des projets de loi
qui exigent la recommandation royale. Dans ces cas, ce qui se passe actuellement,
cest quon en débat en troisième lecture, même si nous savons fort bien
que le gouvernement ne va jamais lui accorder la recommandation royale.
Cest un gaspillage de temps pour tous. Un projet de loi dinitiative parlementaire
qui pourrait fort bien être adopté reste bloqué parce que nous perdons
notre temps à débattre de quelque chose qui, nous le savons, nira jamais
plus loin.
Ce concept semble un peu compliqué, mais il sagit dune tare majeure de
notre système. Je pense quil résulte dune interprétation erronée quun
président a jadis donnée. On la répété de nombreuses fois depuis, et la
situation na pas été améliorée. On la simplement institutionnalisé dune
manière irréalisable.
Madeleine Dalphond-Guiral : Jai été parlementaire pendant 11 ans et jai
eu la chance dassister à certains changements, notamment lélection des
vice-présidents des comités et le fait que toutes les affaires émanant
des députés sont devenues votables. Javais siégé longtemps au sous-comité
responsable de décider de ce qui était votable ou non. Maintenant, tout
est votable.
Tout de même, un certain nombre dirritants demeurent. Je nai pas lexpérience
dautres conférenciers, mais je remarque certains irritants dans les comités.
De façon générale, je suis assez daccord pour dire que les comités travaillent
sérieusement, tant et aussi longtemps quil nest pas question de passer
à un vote.
Certains comités sont non partisans. Jai eu la chance dêtre membre de
tels comités. Cependant, il y en a dautres où la partisanerie est vraiment
très évidente. Il est extrêmement frustrant de constater quau moment de
passer au vote, on remplace par dautres députés ceux qui ont travaillé
à un dossier et qui ont pris part à toutes les discussions. Cest contraire
au bon sens, finalement.
On dit vouloir que le Parlement ait une meilleure réputation. Or, des comportements
comme celui-là produisent leffet contraire. Il faudrait, je ne sais par
quel effet du hasard, envisager de maintenir des façons de faire logiques.
Quant au vote électronique, je suis tout à fait daccord. Nous y avons
travaillé pendant de longues périodes. Nous sommes rendus en 2006; il serait
temps dagir. Il est ridicule de passer de longues heures à voter, au point
que nous en venons à ne même plus savoir sur quoi nous nous prononçons.
Cela ne contribue pas à rendre le Parlement plus intéressant.
Parlons maintenant de la fameuse période des questions orales. Lélecteur,
le citoyen qui sintéresse un tant soit peu à la chose politique ne doit
vraiment pas comprendre à quoi sert la période des questions. Cest essentiellement
un spectacle pour préparer les rencontres avec les journalistes.
Les ministres ne sont pas tenus de répondre aux questions. Comme ils ne
sont pas obligés de le faire, ils ny répondent pas, et avec raison. Je
peux comprendre cela. Le ministre questionné nest pas du tout obligé de
se lever pour répondre. Il peut laisser à nimporte qui le soin de le faire.
On peut décider de conserver la dimension de spectacle attribuée à cette
période. On peut décider que celui qui aura donné le meilleur spectacle
fera lapparition la plus marquée à la télévision. Certains excellent en
la matière; Bill était lun deux. Toutefois, est-ce vraiment lobjectif?
Je ne crois pas. Assurément, cela ne contribue pas à augmenter la crédibilité
du Parlement.
Une autre façon de procéder, quon a soulevée à certaines occasions, semble
intéressante. Il sagit de ce quon appelle linterpellation, qui est un
échange sur un sujet précis entre un élu et un ministre accompagné de fonctionnaires
qui laident à répondre aux questions. Cette rencontre dure quand même
quelque temps, pas seulement trois minutes, mais une demi-heure.
Il est vrai que les parlementaires sont là pour parler, mais ils devraient
aussi être là aussi pour comprendre. Quand on prend la peine découter
tout ce qui se dit et les nombreuses répétitions, selon moi, on gaspille
de lénergie. (Madeleine Dalphond-Guiral)
À mon avis, de telles rencontres bien préparées, sérieuses, où règne le
respect entre le parlementaire et le ministre, pourraient contribuer à
augmenter la crédibilité du Parlement. Plusieurs dossiers importants touchent
tout le monde dune façon ou dune autre.
On a parlé du bois duvre. Pour ma part, jai commencé à en entendre parler
en 1993, et les discussions se sont poursuivies. Dans un tel dossier, la
possibilité de tenir une interpellation aurait probablement intéressé les
travailleurs de ce milieu, qui sont très inquiets.
Il y a plusieurs autres dossiers de ce genre. En outre, cela aurait peut-être
lavantage de libérer une journée. On siège beaucoup à Ottawa, on siège
cinq jours par semaine. Le rôle du parlementaire sur la Colline est essentiel,
mais son rôle dans sa circonscription lest également. Il doit parler à
ses concitoyens. Lorsque nous sommes à Ottawa, nous ne pouvons pas le faire.
Alors, une interpellation le lundi ou le vendredi permettrait daccomplir
des tâches parlementaires précises et de libérer une bonne majorité des
députés afin quils puissent être dans leur circonscription et faire le
travail quils ont à accomplir. Je pense que ce serait une chose intéressante.
Parmi les irritants, il y a la longueur des débats sur les projets de loi.
Ce nest pas vrai quon a besoin de 30 heures de débat.
Il faudrait préparer nos discours, être plus rigoureux et mieux encadrés.
Il y a une chose dans les comités qui ma heurtée à plusieurs reprises.
Souvent, des témoins viennent de très loin, et lorsquils arrivent dans
la salle de réunion, les membres du comité ny sont pas. Je me souviens
avoir présidé un comité et avoir ajourné la séance, par respect pour les
témoins. Quand seulement deux membres du comité sont présents, je trouve
que cest extrêmement malheureux. Si la population savait cela, elle ne
serait pas fière de ses parlementaires.
Lorne Nystrom : Jaurais une ou deux choses à dire avant de faire mes trois
recommandations. Nous avons parlé du temps que nous perdions pendant les
débats. Permettez-moi de vous ramener à 1968. Je me souviens très bien de
la longueur des échanges à cette époque. Je me souviens du débat sur le
tarif du Pas-du-Nid-du-Corbeau, cétait en 1983, si ma mémoire est bonne.
Je me souviens avoir pris la parole 16 fois sur le sujet en Chambre et un
de mes collègues, Les Benjamin, est sans doute intervenu une quarantaine
de fois sur le sujet. Cétait interminable. Il y a donc eu des améliorations
au chapitre de lévolution du Parlement au fil des années.
Pour ce qui est de la période des questions, je me souviens de lépoque
où les whips ne donnaient pas de liste au président. Cétait davantage
une mêlée générale où chacun se levait et interrompait les autres à tout
bout de champ. Il y avait même des rappels au Règlement en pleine période
des questions. Il y a donc eu évolution, des changements très positifs
daprès moi pour tout le système au fil des ans.
Cependant, à mon avis, la principale raison pour laquelle il faut poursuivre
la réforme, cest que le député ordinaire doit, le plus possible, exiger
des comptes du pouvoir exécutif ou du Cabinet. Dans notre système parlementaire,
les premiers ministres fédéral et provinciaux détiennent, je crois, plus
de pouvoir que la plupart des présidents ou des premiers ministres dans
bien des endroits du monde.
Prenez le cas du premier ministre fédéral et du processus de nomination.
Cest essentiellement lui qui nomme les sous-ministres, les juges de la
Cour suprême, les sénateurs, les dirigeants des sociétés dÉtat, et ainsi
de suite. Il sagit dun pouvoir énorme, surtout lorsque le gouvernement
est majoritaire, quel que soit le parti et peu importe que ce soit au palier
fédéral ou provincial. Donc, jestime que nous devons poursuivre la réforme
parlementaire pour faire davantage contrepoids au pouvoir de lexécutif.
On ma demandé de formuler trois recommandations en cinq minutes environ.
Premièrement, je pense quil devrait y avoir plus de votes libres. Nous
avons accompli des progrès en ce sens, mais je pense que le Canada possède
lun des systèmes les plus contraignants au monde à cause du peu de votes
libres pour les simples députés. Prenez le cas de la Grande-Bretagne. Quand
Margaret Thatcher ou Tony Blair étaient au sommet de leur popularité, leur
gouvernement a perdu beaucoup de votes à la Chambre des communes sans tomber.
Il sest donc créé une culture où lon peut exprimer son point de vue,
celui de ses électeurs, etc., sans conséquence dramatique.
Quelquun a parlé de voter contre le gouvernement. Je lai fait sur une
question importante moi-même lorsque nous avons rapatrié la Constitution
en 1981. Quatre dentre nous ont voté contre la consigne dappui du groupe
parlementaire néo-démocrate. Nous savions que ça allait barder. Bill était
membre du caucus. Nous avons payé le prix fort et beaucoup men ont voulu
pendant des années davoir enfreint la consigne du parti et davoir été
déloyal. Cela doit cesser; ce quil faut, cest moins de votes de confiance
et plus de votes libres.
Deuxièmement, il faut renforcer les comités parlementaires. Cest très
important, selon moi, si lon veut donner aux députés plus de pouvoirs,
dindépendance et de droit de regard sur les gestes de lexécutif.
Le personnel des comités parlementaires devrait être choisi de façon plus
indépendante. Dans les années 1980, il y a eu quelques comités spéciaux
consacrés à la Constitution, au rapatriement et à lAccord du lac Meech.
Le Parlement avait alors décidé daffecter du personnel aux comités, de
manière quun parti de lopposition puisse embaucher un adjoint spécial
et que le Parti progressiste-conservateur, au pouvoir, puisse en embaucher
une couple. Lopposition libérale avait un employé aussi et ainsi de suite.
Cela a très bien marché. Le Parlement devrait songer à recruter davantage
demployés, ce qui permettrait aux membres des comités dêtre mieux préparés.
Les comités devraient être plus autonomes et pouvoir prendre linitiative
de projets de loi, en saisir la Chambre et en fixer le calendrier dadoption.
Je pense que la composition des comités devrait être permanente.
(Lorne Nystrom)
Le choix des présidents devrait se faire librement. Jai constaté que la
question a fait polémique encore une fois cette année. Je ne chercherai
même pas à savoir qui avait tort et qui avait raison, mais le choix des
présidents et des vice-présidents doit pouvoir se faire sans lingérence
du Cabinet du premier ministre et du cabinet des chefs.
Enfin, le calendrier parlementaire constitue mon troisième point. Je lai
dit souvent et je le crois depuis longtemps : il en faut un meilleur. Jai
aimé ce qua dit le premier ministre à propos dune date fixe pour les
élections. On la fait en Colombie-Britannique et aussi, je crois, en Ontario.
Cest quelque chose que je réclame depuis longtemps. Cela enlève aux premiers
ministres fédéral et provinciaux le pouvoir de jouer avec la date à des
fins partisanes. Bien sûr, si le gouvernement tombe, il doit y avoir des
élections, mais, à cette exception près, des élections devraient se tenir
à date fixe tous les quatre ans.
Jirais plus loin et je dirais quil faut une date fixe pour le budget.
Je constate la frustration qui règne au pays. Les provinces ne savent pas
comment élaborer leurs plans parce quelles sont incertaines du contenu
du budget fédéral. Les municipalités, les commissions et conseils scolaires
et les conseils dadministration des hôpitaux ne savent pas quoi faire
parce quils ignorent ce quils recevront de la province. Si la date annuelle
du budget était fixe, quantité dassociations et dorganismes, y compris
les provinces, les municipalités, les commissions et conseils scolaires
et le secteur privé pourraient effectuer leur planification. Il faudrait
donc y songer très sérieusement.
Je suis aussi en faveur dune date fixe pour le discours du Trône. Il suffit
de fixer un calendrier pour ce genre de choses. À lheure actuelle, ces
dates sont choisies notamment pour des motifs partisans. Voilà certains
des changements qui devraient être apportés.
Mon dernier point, cest que la table ronde porte sur la réforme parlementaire,
alors que je pourrais méterniser sur la réforme électorale. À un moment
donné, il faudrait que lon en discute aussi.
Bill Blaikie : Jaimerais répondre à certaines des observations qui ont
été présentées. Nous avons presque obtenu un consensus, sauf pour Don,
au sujet de toute la question de ce que jai toujours appelé les commandos
parlementaires des comités. Dès que des membres qui se servent de leur
cerveau et de leur sens critique adoptent une position qui diverge de celle
de leur parti, ils disparaissent du comité du jour au lendemain. Jai observé
ce phénomène au cours des années, à la fois sous les gouvernements libéraux
et sous les gouvernements conservateurs. Vous parliez dune situation où,
subitement, tous les membres du comité qui ont étudié le projet de loi
sont remplacés par un tas de gens qui ne connaissent même pas le nom du
projet de loi, mais qui savent comment ils doivent voter.
Ironiquement, le comité McGrath sétait penché sur cette question. Il avait
recommandé que les membres des comités soient permanents pendant toute
une session parlementaire, de sorte que les whips ne puissent les retirer
de leurs comités. On naurait pu les remplacer que de leur propre chef.
Or, cette recommandation na jamais été appliquée.
Il existe dautres mesures qui visent toutes les comités pour essayer
de rendre ceux-ci plus indépendants, comme lexclusion du secrétaire parlementaire.
Cest très opportun den parler maintenant, parce quun comité sera bientôt
créé auquel siégeront non pas un, mais quatre secrétaires parlementaires.
Avoir déjà un secrétaire parlementaire dans un comité est déjà très difficile.
Lors de la dernière législature, jai proposé une motion qui consistait
à exclure le secrétaire parlementaire du comité auquel je siégeais; elle
a été adoptée, mais a été annulée par la suite.
Dans le rapport du comité McGrath, nous nous sommes dit davis que les
députés ministériels navaient pas besoin dun entraîneur. Le gouvernement
Mulroney a, en fait, appliqué cette recommandation pendant deux ou trois
ans ou même plus, quatre ou cinq. Ensuite, on a ressenti le besoin de
réintégrer dans les comités les secrétaires parlementaires, cest-à-dire
les entraîneurs du gouvernement.
Pour ce qui est du vote électronique, le comité McGrath en avait recommandé
linstauration. Cependant, je dois vous dire que, même si jai approuvé
le rapport de ce comité, jai passé le reste de ma vie parlementaire à
me battre contre le vote électronique. Jai toujours estimé quon avait
trop dattentes à son égard. La seule raison pour laquelle jy ai été favorable
au début, cest que je pensais que cela faciliterait la tenue de votes
libres. Le comité McGrath a recommandé cependant que, pour certaines occasions
spéciales, on conserve le droit dexiger un vote par assis et levé pour
des votes importants, comme sur la Constitution, par exemple. Mais il y
a une conséquence involontaire au vote électronique, si les gens ne font
quentrer et glisser leur carte dans leur pupitre avant de repartir.
Je me suis rendu compte quune grande partie du travail parlementaire se
fait dans la mêlée avant le vote. Cest à ce moment-là que tous les députés
se rassemblent. Nous ne nous voyons plus au restaurant parlementaire. Nous
ne voyons même plus beaucoup des membres de notre propre caucus. Nous sommes
devenus de plus en plus séparés et individualisés. Mais, avant un vote,
tous les 308 députés fourmillent à la Chambre. Cest à ce moment-là que
je peux parler dun cas particulier au ministre de lImmigration. Cest
là que je peux discuter dun conflit de travail avec le ministre des Transports.
Cest là que je règle beaucoup de mes affaires parlementaires. La perte
de ces occasions risquerait dêtre lune des conséquences imprévues du
vote électronique.
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