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Audrey O'Brien
Vingt ans se sont maintenant écoulés depuis la première fois où la Chambre
des communes a élu son président au scrutin secret, étape-clé de lévolution
de linstitution. Ce type de scrutin a été adopté par plusieurs autres
assemblées législatives et il continue de se transformer.
La Loi constitutionnelle de 1867 oblige la Chambre des communes à désigner
un président parmi ses membres au début de chaque législature. Jusquen
1985, les présidents étaient désignés par voie de motion, habituellement
présentée par le premier ministre, et leur choix était souvent fonction
des allégeances politiques.
Linstauration du scrutin secret remonte aux années 1980, au cours desquelles
des comités successifs chargés de réformer la procédure ont recommandé
cette façon de faire en invoquant le principe selon lequel « le président
relève de la Chambre et non du gouvernement ou de lopposition ». En juin1985,
lélection au scrutin secret a finalement été inscrite dans le Règlement.
Celui-ci a été modifié de nouveau en 1987 afin de rationaliser le processus,
de façon que les candidats ayant obtenu 5 % ou moins du total des suffrages
exprimés puissent être éliminés au fur et à mesure après chaque tour de
scrutin successif.
Lélection du président John Fraser par voie de scrutin secret le 30 septembre 1986
a traîné en longueur et a finalement exigé 11 tours de scrutin. À cette
occasion, le président Fraser a déclaré : « Le vote daujourdhui est historique
parce que cest la première fois que les députés à la Chambre des communes
élisent un [p]résident par vote secret. Le processus a changé, mais une
chose demeure la même : le [p]résident est le serviteur de la Chambre et
reçoit son autorité des députés ».
Le successeur du président Fraser, le président Gilbert Parent, a été élu
en 1994 après six tours de scrutin, puis de nouveau en 1997, après quatre
tours. Lactuel président de la Chambre, lhonorable Peter Milliken, a été
élu en 2001 après cinq tours, avant dêtre élu par acclamation en 2004,
après que tous les autres députés éligibles se soient retirés de la course.
Il a été réélu de nouveau en 2006 dès le premier tour de scrutin, malgré
son appartenance à un parti maintenant dans lopposition.
Les ministres et les chefs de partis ne peuvent poser leur candidature,
mais tous les autres députés sont considérés doffice comme des candidats
au poste de président, à moins quils nen avisent par écrit le greffier
de la Chambre avant 18 heures la veille de lélection, sils ne souhaitent
pas se porter candidats. Pour cette raison, il est arrivé que le nom de
députés figure malgré eux sur la liste des candidats au premier tour de
scrutin. Lorsque cela se produit, ils peuvent cependant se retirer avant
le deuxième tour sils recueillent plus de cinq pour cent des suffrages.
En 2004, la Chambre a décidé dautoriser ces candidats à se retirer avant
le premier tour, ce qui a donné lieu à lélection par acclamation du président
Milliken. Il ny a pas de campagne électorale officielle; toutefois, depuis
2001, les candidats peuvent faire une déclaration liminaire dau plus cinq
minutes immédiatement avant le premier tour de scrutin. Ce changement a
été recommandé par le Comité spécial sur la modernisation et lamélioration
de la procédure à la Chambre des communes pour permettre à tous les députés
et, en particulier, aux nouveaux élus dentendre les candidats au cours
dun débat public. Les déclarations font ressortir les points forts dun
candidat de même que ses objectifs précis. Une fois les déclarations terminées,
la Chambre suspend ses travaux pour une heure avant la tenue de lélection.
Le député qui compte le plus grand nombre dannées de service ininterrompu
et qui noccupe pas un poste de ministre ou de dirigeant de la Chambre
préside à lélection du président. Ce député, qui a le titre de « doyen
de la Chambre », a droit de vote à lélection, mais son vote nest pas prépondérant
en cas dégalité des voix. La procédure de scrutin est soigneusement coordonnée
afin de dissiper le moindre doute quant aux résultats. Les députés se rendent
un à un aux isoloirs placés sur le Bureau en face du fauteuil du président
et les bulletins de vote sont distribués sous la supervision du greffier
de la Chambre. Les bulletins sont dépouillés en secret (et ultérieurement
détruits) par le greffier, aidé de trois greffiers au Bureau de niveau
supérieur. La Chambre suspend ses travaux durant le dépouillement.
Le greffier transmet le résultat au doyen, qui convoque les députés afin
de leur en faire part. Si aucun député na obtenu de majorité absolue,
un deuxième tour commence. Le nom du candidat qui a obtenu le moins de
voix et celui du ou des candidats qui ont obtenu 5 % des voix ou moins lors
du tour précédent, sont rayés de la liste et un nouveau scrutin a lieu.
Cette procédure se poursuit jusquà ce quun candidat obtienne une majorité
des voix.
Le greffier communique au doyen le nom du gagnant, mais ne divulgue pas
le nombre de voix obtenues par chacun des candidats. Le doyen annonce ensuite
à la Chambre le nom du député élu. Il est intéressant de comparer la démarche
actuelle du Canada à légard de lélection du président à celle dautres
Parlements issus de la tradition de Westminster. Au Royaume-Uni, par exemple,
un nouveau président est élu à louverture dune nouvelle législature seulement
si le président de la législature antérieure ne souhaite pas ou ne peut
pas être reconduit dans ses fonctions.
Suivant lexemple du Canada, la Chambre des communes britannique a adopté,
en mars 2001, des dispositions visant à mettre en place une procédure délection
au scrutin secret, mais comme elles ne doivent sappliquer que si le président
ne veut pas demeurer à son poste, elles nont toujours pas été mises à
lessai. Lorsque les députés britanniques éliront un président, ils le
feront au scrutin secret, comme leurs homologues canadiens. À chaque tour,
des candidats seront éliminés jusquà ce quun candidat remporte plus de
la moitié des suffrages. La Chambre des lords a récemment instauré un processus
délection par scrutin préférentiel qui a été utilisé pour la première
fois en juin 2006. Il convient de préciser que, depuis le recours au scrutin
secret pour la première fois à la Chambre des communes, la plupart des
assemblées législatives provinciales ont, elles aussi, adopté cette façon
de procéder.
Ladoption de la nouvelle procédure de vote au Canada en 1986 a conféré
individuellement aux députés un pouvoir accru en en faisant des électeurs
indépendants de leur président. Des commentateurs ont fait observer que
lélection donne une autorité morale plus grande au président de séance,
car les députés doivent assumer une certaine responsabilité à légard du
rendement du candidat quils choisissent délire à la présidence. Dans
le cadre des débats en cours sur la réforme du processus démocratique et
lindépendance du Parlement, il ne fait aucun doute que de nombreuses leçons
ont été tirées de lexpérience de lélection du président de la Chambre,
et que ces leçons pourraient contribuer à orienter lévolution du Parlement.
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