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Point de vue de l'île-du-Prince-Édouard sur les femmes en politique
Olive Crane, MAL

Les femmes de l’Île-du-Prince-Édouard ont écrit une page de l’histoire politique. Dans le présent article, l’auteure examine l’évolution de leur participation à la politique de l’Î.-P.-É. ainsi que quelques événements récents. 

Les femmes ont le droit de voter depuis moins de cent ans, mais il aura fallu attendre 1951 pour qu’une femme (Hilda Ramsay) se porte candidate à l’Île-du-Prince-Édouard. 

Elle s’est présentée aux élections pour la Fédération du Commonwealth coopératif (FCC), mais n’a pas été élue. Aucun des trois candidats du FCC n’a gagné, mais Mme Ramsay a permis aux Prince-Édouardiennes d’entrer en politique. 

La première femme à être élue à l’Î.-P.-É. a été Jean Canfield, en 1970. Représentant le Parti libéral, elle a été nommée ministre sans portefeuille et ministre responsable de la commission du logement en 1972. Depuis ce temps, une femme a occupé chacun des postes ministériels au conseil exécutif. En 2002, le premier ministre Pat Binns a nommé ma collègue Gail Shea ministre des Transports et des Travaux publics. C’était la première fois qu’une femme détenait ce poste à prédominance masculine dans la province. 

Par ailleurs, en 1993, les Prince-Édouardiens ont élu la première première ministre provinciale du Canada, Catherine Callbeck. Auparavant, en 1990, une progressiste- conservatrice, Pat Mella, qui a rempli les fonctions de trésorière provinciale, est devenue la première femme à diriger un parti politique provincial lorsqu’elle a été choisie chef du Parti progressiste-conservateur de l’Île-du-Prince-Édouard. 

J’aimerais aussi mentionner une autre progressiste- conservatrice, Marion Reid, qui a ouvert la voie aux femmes dans bien des domaines. En 1979, Marion a été nommée vice-présidente de l’Assemblée législative, devenant la première femme de l’histoire de la province à occuper cette charge. En 1983, elle est devenue la première présidente de l’assemblée, et, de là, en 1990, a été assermentée comme première lieutenante-gouverneure de l’histoire de l’Île. 

Ainsi, à l’Île-du-Prince-Édouard, nous nous sommes distingués par de nombreuses innovations et nous n’en sommes pas peu fiers. Cependant, j’aurais préféré que nous n’ayons pas du tout à discuter de cette question, et que l’on accepte simplement le fait que les femmes jouent un rôle tout aussi important que les hommes dans le processus politique… fin de la discussion! Je suppose que c’est pour cette raison que ma mère n’arrêtait pas de répéter : « Avec des si, on va à Paris, avec des ça, on reste là. » 

Peut-être que, pour que cela puisse se produire, nous devons déterminer pourquoi les femmes se montrent moins enclines à accepter d’être candidates et à se présenter aux élections. En préparant cette communication, je me suis rendu compte que toutes les femmes à avoir été élues dans la province viennent de la campagne. Je ne sais pas si cela est important ou s’il s’agit tout simplement d’une coïncidence. 

Nos 139 000 habitants gravitent maintenant autour des milieux urbains, mais, à travers l’histoire, notre province a toujours été plutôt rurale, les familles comptant sur les industries primaires que sont l’agriculture, la pêche et la foresterie. 

On s’imagine traditionnellement l’épouse d’un agriculteur comme la « petite » bonne femme à la cuisine, portant un tablier, faisant du pain et s’occupant des enfants. En réalité, pour que les petites entreprises familiales d’agriculture ou de pêche fonctionnent efficacement, tout le monde doit mettre la main à la pâte. 

Il ressort que femmes, enfants et hommes travaillent côte à côte dans les granges, dans les champs et sur les bateaux de pêche. Les familles rurales fonctionnent ainsi depuis des siècles. 

Cette habitude de la collaboration étroite avec les hommes a peut-être d’abord donné aux femmes en milieu rural de la province la confiance nécessaire pour se lancer en politique. Le sentiment d’appartenance à la communauté et de participation à celle-ci et le travail communautaire, si importants en région rurale, favorisent peut-être l’engagement de ces femmes à servir en politique. 

Actuellement, à l’Île-du-Prince-Édouard, sur les 27 députés à l’Assemblée législative, 7 sont des femmes, dont deux occupent des postes ministériels. En fait, depuis ma victoire aux élections plus tôt cette année, les femmes représentent près de 26 p. 100 des députés à l’Assemblée législative, un niveau record. Cela rapproche la province de son objectif, à savoir que les femmes comptent pour 33,3 p. 100 des députés à l’assemblée législative après les prochaines élections provinciales. 

C’est la « PEI Coalition for Women in Government », coalition non partisane de personnes et d’organisations déterminées à accroître les possibilités d’élection des femmes au gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard, qui a établi cet objectif. 

En 2004, cette coalition a recommandé aux partis politiques de s’orienter dans une nouvelle direction en désignant au moins neuf femmes chacun comme candidates lors des prochaines élections provinciales. Chacun des partis provinciaux officiels de la province s’est engagé à poursuivre sur cette lancée. 

Si chaque parti désigne au moins neuf femmes comme candidates aux prochaines élections, l’Île-du-Prince-Édouard écrira une page de l’histoire du pays en tant que première assemblée législative provinciale à compter un tiers de députées dans ses rangs. 

À vrai dire, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, mais nous sommes heureux que tous les partis consentent des efforts pour appuyer les candidates éventuelles. 

Par exemple, tous les partis (PC, Parti libéral, Parti Vert et NPD) ont soutenu la première Women’s Campaign School de la province en invitant les femmes à participer à une formation de trois jours axée sur l’acquisition de compétences et le réseautage, ou en les parrainant. Organisée par l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard au printemps dernier, la formation a mis en vedette plusieurs éminents conférenciers d’honneur et porté, entre autres, sur les sujets suivants : 

  • Décider de se porter candidate 
  • Le processus de nomination 
  • Être désignée candidate 
  • Faire campagne 
  • Inciter la population à aller voter 
  • Éthique de la campagne 
  • Collaborer avec les médias 
  • Suis-je prête? 

Les discussions tenues lors de cette conférence fort courue ont notamment abordé les obstacles réels et perçus à la présentation de la candidature d’une femme à une charge élective à l’Î.-P.-É. 

Voici quelques-unes des préoccupations exprimées : 

  • La perception que le travail de politicien local est mal rémunéré et exige de longues heures de travail (assorti d’un manque d’intimité et de pressions sur la vie familiale); 
  • Le caractère compétitif (selon certains) de la politique et des décisions du gouvernement; 
  • Le manque d’accès à des ressources financières qui permettent de faire campagne ou à des fonds électoraux; 
  • La perception que les puissants des partis politiques préfèrent appuyer des hommes, et les études qui indiquent que les femmes se chargent toujours de la plus grande partie des tâches non rémunérées à la maison en plus de travailler à l’extérieur du foyer, ce qui ne leur laisse pas beaucoup de temps pour se lancer en politique. 

Je n’ai pas nécessairement de solutions à ces problèmes, mais je crois que nous devons franchir une première étape en reconnaissant leur existence pour pouvoir ensuite relever le défi. 

Nous avons besoin de davantage de politiciennes, non parce que les besoins des femmes sont négligés, mais parce que nous, les femmes, représentons plus de la moitié de la population et devrions faire partie du processus démocratique. C’est aussi simple que cela. 

On dit aussi que les femmes jettent un nouveau regard sur la politique. Chaque fois que l’on tient compte d’un nouvel élément (qu’il soit de nature sexuelle, religieuse, ethnique ou sociale), on obtient un nouveau point de vue. Lorsque nous élargissons notre champ de vision, nous en ressortons tous gagnants. 

L’intégration des femmes à la vie politique renforce la démocratie, et c’est là l’objectif de tout bon gouvernement. 


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 29 no 3
2006






Dernière mise à jour : 2020-09-14