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Les femmes et le commerce – Renverser les obstacles fondés sur le sexe
Helena Guergis, députée

Le commerce international contribue pour plus de 71 % au produit intérieur brut du Canada. Il soutient un emploi sur cinq au Canada et, ainsi, sert d’assise à nos programmes sociaux et contribue à maintenir notre qualité de vie. De toute évidence, la prospérité de notre économie et de notre société dépend fortement de la mesure dans laquelle nos entreprises et nos investisseurs réussissent sur les marchés étrangers. Il ne fait aucun doute que le commerce mondial crée pour les entrepreneurs, les travailleurs et les consommateurs du monde entier d’infinies possibilités de prospérer, de s’épanouir et d’élever leur niveau de vie. À mesure que les obstacles au commerce tomberont les uns après les autres et que les nations du monde adhéreront à une économie mondiale de plus en plus libéralisée, ces possibilités s’étendront rapidement aussi bien pour les petites que pour les grandes économies. Cet article examine comment les femmes canadiennes tirent de plus en plus parti des occasions d'affaires à l'étranger. 

Ces vingt dernières années, le nombre d’entreprises canadiennes appartenant à des femmes a augmenté de 200 % pour s’établir à plus de 800 000. Ces entreprises injectant tous les ans 18 milliards de dollars dans l’économie canadienne, force est de constater que les femmes jouent un rôle de plus en plus important dans l’économie canadienne en améliorant nos résultats sur les marchés nationaux et internationaux. 

Les petites entreprises illustrent bien la situation. En tant qu’ancienne propriétaire d’une petite entreprise, je sais que celles-ci sont parmi les principaux artisans des résultats économiques du Canada à l’échelle nationale et à l’étranger. En outre, deux fois plus de femmes que d’hommes mettent sur pied de telles entreprises, notamment dans le secteur des services.  

En fait, ces entreprises ont de meilleures chances de prospérer si elles étendent leurs activités aux marchés d’exportation plutôt que de se limiter au marché canadien. Heureusement, les femmes d’affaires canadiennes ont accepté de relever ce défi et exportent sur tous les marchés du monde, aux États-Unis principalement, mais aussi en Asie, en Europe et ailleurs.  

Dans la plupart des cas, les femmes d’affaires se heurtent aux mêmes difficultés que les hommes. Par exemple, une étude1 a révélé que les exportatrices estiment que la mise en marché est l’aspect qui soulève les plus grandes difficultés à l’étranger. Pour elles, les coûts inhérents au développement d’un nouveau marché et la difficulté d’obtenir des renseignements sur les marchés cibles, de trouver des partenaires locaux et d’établir de bons canaux de distribution constituent des obstacles majeurs. Mais les femmes doivent-elles en plus affronter des obstacles fondés sur le sexe dans leur recherche d’occasions d’affaires? Il semblerait que, sur le marché de l'exportation, le sexe soit effectivement un facteur important. 

En ma qualité de membre du Comité permanent du commerce international et du Comité permanent de la condition féminine, j’entends souvent parler de ces obstacles. Les inégalités culturelles, telles celles que subissent les femmes d’affaires du Moyen-Orient, de l’Afrique du Sud, de l’Inde et de l’Amérique du Sud, et le fait de ne pas être prises au sérieux comme propriétaires d’entreprise sont deux de ces obstacles. Une autre étude2 a fait ressortir que 75 % des femmes propriétaires d’entreprise estimaient que leur appartenance au sexe féminin influait sur leur capacité d’exporter. Beaucoup d’entre elles considèrent que les femmes sont désavantagées et mentionnent à preuve que le peu de respect que leur témoignent les hommes propriétaires d’entreprise ainsi que les préjugés dont elles s’estiment faire l’objet de la part des établissements financiers représentent des obstacles majeurs. 

Un rapport3 publié en 2005 a révélé que les entreprises appartenant à des femmes ne réussissent pas aussi bien que les entreprises appartenant à des hommes; cette conclusion s’expliquerait par le manque de mentors et de modèles, les réseaux professionnels plus limités et même l’absence d’appui du conjoint ou des pairs. 

Les difficultés prennent une dimension encore plus grande dans les pays en voie de développement. Lors d’une table ronde sur les femmes entrepreneures et le développement international parrainée par le Canada qui s’est tenue à Hong Kong en décembre dernier en marge de la Sixième Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du Commerce, les délégués ont entendu des exposés sur les difficultés auxquelles se heurtent les femmes des pays en développement, comme celle de l’accès au crédit, aux capitaux et à l’information. Ces difficultés sont exacerbées par une instruction et une formation déficientes et une méconnaissance des règlements commerciaux internationaux. 

Nation commerçante et ouverte qui milite pour la défense des droits des femmes du monde entier, le Canada fait figure de proue dans la lutte contre les inégalités dont souffrent les femmes au plan du commerce international, dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement. Notre détermination à cet égard s’inscrit dans le sens de l’engagement général que nous avons pris à l’échelle internationale afin d’éliminer la violence faite aux femmes, d’assurer la participation pleine et égale des femmes aux processus décisionnels et de collaborer avec nos partenaires commerciaux pour faire respecter les droits des femmes et l’égalité des sexes. 

Un certain nombre d’organismes fédéraux, dont Affaires étrangères et Commerce international Canada (MAECI), l’Agence canadienne de développement international (ACDI), Condition féminine Canada (CFC) et Industrie Canada (IC), prennent une part active aux initiatives nationales, régionales et internationales de sensibilisation aux inégalités entre les sexes dans le domaine du commerce et s’emploient à mettre sur pied des programmes destinés à éliminer les obstacles auxquels se butent les femmes entrepreneures. 

De fait, le Canada a été un intervenant majeur à la toute première séance de discussions sur l’égalité des sexes et le commerce qui s’est tenue dans le cadre du Symposium public de l’OMC en 2003, séance qui a mis au jour l’importante contribution des femmes à l’économie mondiale ainsi que les difficultés particulières auxquelles elles se heurtent. 

Le Canada a également été un agent catalyseur à la Table ronde sur le commerce et l’égalité entre les sexes organisée par le MAECI à l’occasion de la Cinquième Conférence ministérielle de l’OMC qui a eu lieu à Cancún, au Mexique, en septembre 2003, et à la Table ronde sur les femmes entrepreneures et le développement international qui s’est tenue l’an dernier dans le cadre de la Sixième Conférence ministérielle de l’OMC à Hong Kong. On trouvera sur le Site Web du Ministère les comptes rendus de ces séances de discussion.  

Grâce aux efforts de Canadiennes exceptionnelles de la trempe d’Adair Heuchan, qui s’est vu décerner le prix Femme de l’année 2004 par l’Organisation des femmes dans le commerce international (OWIT – Organization of Women in International Trade) alors qu’elle était conseillère au commerce et au développement à la Mission permanente du Canada auprès des Nations Unies et de l’OMC, le Canada est de mieux en mieux reconnu comme un champion de l’égalité des sexes dans le commerce international auprès de l’OMC. Cette année, l’OWIT remettra son prix à une autre Canadienne, l’entrepreneure Andrina Lever, présidente de la société torontoise Lever Enterprises, qui milite depuis longtemps auprès d’instances telles que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC) pour la cause des femmes entrepreneures. Comme en témoignent ces récompenses, les femmes du Canada, du secteur public comme privé, veillent à tenir cette question à l’ordre du jour de toutes les tribunes du monde entier. 

Le MAECI est également un ardent défenseur des femmes exportatrices au sein de l’APEC. En fait, le Canada a été l’instigateur du projet de l’APEC « Appui au potentiel des femmes exportatrices » qui a donné lieu à la réalisation par la Nouvelle-Zélande d’une enquête sur les pratiques que les membres de l’APEC emploient pour aider les femmes à percer sur les marchés d’exportation. Au mois de septembre, le Vietnam sera l’hôte d’un atelier où seront envisagées les prochaines étapes à franchir dans ce sens. Prenant appui sur les progrès réalisés jusqu’ici, le Canada a entrepris de dresser un plan pluriannuel d’expansion du secteur privé qui aidera les exportatrices à faire face aux nombreux défis que leur pose le commerce international. 

Les missions commerciales parrainées par le MAECI offrent aux femmes d’affaires un excellent moyen de pénétrer les marchés étrangers. Ces missions intègrent souvent des activités organisées par des groupes et associations de femmes d’affaires de l’endroit pour renseigner nos partenaires commerciaux sur les capacités des femmes d’affaires canadiennes. 

Au Canada, le MAECI et IC coprésident le Groupe de travail interministériel des femmes entrepreneures, qui se voue à la promotion des femmes dans le commerce international. 

CanadExport, la publication vedette du MAECI qui s’adresse aux entreprises canadiennes, contient chaque année un supplément qui met à l’honneur les exportatrices canadiennes et explique comment elles ont tiré parti des services fédéraux pour prendre leur essor. Le site Web du MAECI Les Femmes d’affaires et le commerce décrit tout l’éventail des programmes gouvernementaux dont peuvent se prévaloir les femmes d’affaires et leur offre un portail où elles peuvent créer des réseaux, s’informer sur les services de financement et d’assurance et cerner les occasions d’affaires à l’étranger. 

Le Ministère est aussi l’un des nombreux commanditaires fédéraux du Prix JoAnna Townsend, remis en mémoire d’une ancienne employée du MAECI et d’Exportation et développement Canada qui a défendu les intérêts des exportatrices et qui est décédée après avoir livré une courageuse lutte contre le cancer.  

L’ACDI aussi cherche à intégrer l’égalité des sexes dans toutes ses politiques et programmes de renforcement de la capacité et d’expansion du commerce. Son programme ACCES! au commerce international pour les femmes d’affaires africaines, qui a pour objectif d’aider les femmes d’affaires africaines à percer sur les marchés étrangers, en est un bon exemple. 

De fait, le nouveau gouvernement du Canada reconnaît l’importante contribution des femmes au commerce international ainsi qu’à notre prospérité nationale, notre qualité de vie et notre compétitivité sur tous les marchés étrangers. Il tient à mieux faire comprendre les possibilités et les défis que présente la libéralisation du commerce et à appuyer la recherche et l’analyse de certains aspects particuliers de la politique commerciale et de leur incidence sur les femmes. Il prend aussi très au sérieux les Objectifs du Millénaire pour le développement  établis par les Nations Unies, dont le troisième qui vise à « promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ». De toute évidence, cet objectif doit s’étendre au commerce. 

De plus en plus de femmes mettent leur énergie, leur créativité et leur esprit d’entreprise au service du monde des affaires canadien. Des petites et moyennes entreprises aux grandes sociétés multinationales, les femmes d’affaires canadiennes – et les femmes d’affaires du monde entier – doivent bénéficier du même accès aux marchés et aux sources de financement, des mêmes services et du même soutien sur le marché ciblé que leurs vis-à-vis masculins. Et elles méritent d’être traitées avec la dignité et le respect que commande leur rôle. 

Notre gouvernement se réjouit d’aider les femmes canadiennes à saisir ces possibilités et à continuer de renforcer le tissu social et économique de notre pays. 

Notes 

1. Par-delà les frontières – Les femmes d’affaires canadiennes et le commerce international, p. 15, rapport sommaire rédigé par Ruth Rayman, (Rayman & Associates), établi à partir du rapport de recherche complet préparé pour le compte de la Coalition pour la recherche commerciale par Barbara Orser (Equinox Management Consultants Ltd.) et son équipe de chercheurs, Eileen Fischer (Université York), Rebecca Reuber (Université de Toronto), Sue Hooper (Fondation Asie-Pacifique du Canada) et Allan Riding (Université Carleton), 1999. 

2. « Exporting as a Means of Growth for Women-owned Firms », Barbara Orser, Allan Riding et JoAnna Townsend, publié dans The Journal of Small Business and Entrepreneurship, vol. 17, no 4, été 2004. 

3. « Poursuivre sur notre lancée », rapport sommaire et recommandations découlant de Poursuivre sur notre lancée : un forum économique sur les femmes entrepreneures, Industrie Canada et Sprott School of Business de l’Université Carleton, 2005. 


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 29 no 3
2006






Dernière mise à jour : 2020-09-14