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Margaret A. Woods
Le 29 mars 1906, des représentants des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
se sont réunis à Regina pour entendre Amédée Forget, lieutenant-gouverneur
de la Saskatchewan, répondre aux mots de bienvenue au sein de la fédération
canadienne qui avaient été reçus dOttawa et des autres assemblées législatives
provinciales. Il a ensuite souligné que la colonisation continue et rapide
de lOuest canadien était « très gratifiante » et que son gouvernement « encouragerait
et aiderait de toutes les manières possibles les gens qui souhaitaient
sétablir parmi nous ». Il na alors mentionné ni les Premières nations
qui vivaient auparavant sur ce territoire, ni les traités qui avaient rendu
ces terres disponibles pour la colonisation. Par contre, la cérémonie soulignant
le 100e anniversaire de la première session était truffée de références
à lapport des Autochtones dans lhistoire et le développement de la Saskatchewan.
Le présent article rend compte de certains points saillants de cette cérémonie
tenue récemment.
Le mot « Tansi » : Cest en lançant le traditionnel « bienvenue » des Cris que
le président Myron Kowalsky a accueilli les invités venus célébrer le 100e anniversaire
de la première ouverture de lAssemblée législative de la Saskatchewan.
Le choix linguistique du président témoignait bien du thème central de
la cérémonie : souligner la relation entre lAssemblée législative et les
Premières nations des Prairies.
La journée a commencé par une cérémonie du calumet sur le parquet de la
Chambre, à laquelle ont participé le président et dautres invités. Cette
cérémonie visait à sanctifier la Chambre en vue de la célébration qui y
aurait lieu au cours de la matinée. La cérémonie du calumet elle-même avait
été précédée des pratiques cérémoniales de laîné cri qui la dirigeait.
Ces cérémonies du calumet existent dans les cultures de nombreuses Premières
nations et, même si des éléments sont communs à toutes les cérémonies,
chacune reflète les préférences, les usages et le patrimoine de laîné
qui la dirige.
Les participants étaient assis en cercle sur le parquet de la Chambre,
les hommes composant le cercle intérieur et les femmes, le cercle extérieur.
Cette disposition sexplique par la croyance des Cris selon laquelle les
femmes sont aussi puissantes que le calumet et que leur présence dans le
cercle extérieur leur permet de soutenir le calumet et la cérémonie. Les
Cris croient, en outre, que les pouvoirs des femmes sont supérieurs à ceux
des hommes parce quelles peuvent donner la vie. Les hommes doivent donc
sélever à la hauteur des femmes en sassoyant dans le cercle intérieur,
en priant et en fumant le calumet.
Durant la cérémonie, le calumet a fait le tour du cercle à quatre reprises,
pendant que les participants priaient et racontaient des histoires personnelles.
Tous les gens assis autour du cercle ont été purifiés à laide du foin
dodeur. Tout au long de la cérémonie, un groupe situé dans un coin de
la Chambre a joué du tambour.
La cérémonie de présentation du jeté de la masse a commencé par lentrée
solennelle de la suite officielle et des invités spéciaux. Lentrée de
chaque invité était annoncée par Helen Ben, chef du conseil tribal de Meadow
Lake, et la greffière de lAssemblée législative, Gwenn Ronyk, qui ont
coprésidé la cérémonie.
Le défilé a été dirigé par la représentante de la Couronne, la lieutenante-gouverneure
Lynda Haverstock et son mari, Harley Olsen. Le président Kowalsky et le
chef Alphonse Bird, de la Federation of Saskatchewan Indian Nations (FSIN),
sont ensuite entrés côte à côte, précédés du sergent darmes portant la
masse et du porteur du bâton à exploits. Le premier ministre, Lorne Calvert,
le chef de lopposition officielle, Brad Wall, et le commissaire aux traités,
le juge David Arnot, complétaient la suite officielle.
Le défilé solennel sest poursuivi avec des aînés des Premières nations,
des anciens combattants, des chefs, lartiste Florence Highway, des représentants
du pouvoir judiciaire et des députés de lAssemblée législative entrant
dans la Chambre et saluant la suite officielle. Chaque invité se joignait
à la haie dhonneur et accueillait les invités suivants à leur arrivée.
Tout au long du défilé, les joueurs de tambour ont joué lhymne dentrée
solennel.
La cérémonie de présentation comme telle a commencé par les salutations
de la Couronne, de la FSIN et du commissaire aux traités. La lieutenante-gouverneure
Haverstock a parlé du rôle joué par la Couronne pour unir les trois éléments
de lÉtat les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire avec les
Premières nations. La Couronne constitue, en outre, un symbole durable
de constance et des idéaux consacrés dans les traités. Pour illustrer cette
longévité, Mme Haverstock a rappelé les paroles prononcées par un de ses
prédécesseurs, le lieutenant-gouverneur Alexander Morris, qui, en 1874,
en tant que représentant de la Couronne dans la négociation des traités,
a affirmé ce qui suit :
Les promesses que nous devons vous faire ne valent pas que pour aujourdhui,
mais également pour demain. [
] et ces promesses seront respectées aussi
longtemps que le soleil brillera et que leau coulera dans locéan1.
Le chef Bird a souligné quil est important quun symbole des Premières
nations soit présent dans la Chambre. Faisant allusion au jeté et au coussin
de la masse, le chef Bird a rappelé à lassistance quils représentaient
« les fondements de lautorité de la Couronne, dont lexercice est symbolisé
par la masse »2. Il a ensuite indiqué que, bien que les symboles soient
dimportants rappels de lesprit et de lobjectif des traités, ils ne peuvent
remplacer la nécessaire mise en uvre des dispositions de ces derniers.
Les traités ont permis aux Premières nations et aux colons de construire
une société commune sur un territoire où ils pourraient tous vivre en harmonie
et dans la prospérité. Le chef Bird a encouragé les députés de lAssemblée
à ne pas oublier les obligations et devoirs établis par les traités lorsquils
tiendront des débats et adopteront des lois, et à trouver de nouvelles
façons de réduire les inégalités observées chez les habitants de la province.
Le juge Arnot a également signalé limportance des traités conclus avec
les Premières nations. Toute la province de la Saskatchewan est visée par
les traités nos 4, 5, 6, 8 et 10. Le juge Arnot a rappelé que tous les citoyens
sont visés par ces textes. Les immigrants ont pu sétablir sur le territoire
et exercer ce droit issu dun traité grâce aux traités négociés avec les
Premières nations qui occupaient auparavant le territoire. Le juge Arnot
a aussi parlé despoir lespoir exprimé par les signataires des traités
sur ce que lavenir pouvait leur réserver et lespoir quil avait lui,
en tant que commissaire aux traités, que les Premières nations, les traités
et les relations fondées sur eux occupent la place qui leur revient au
sein de lÉtat canadien.
Dévoilement du jeté et du coussin de la masse
Florence Highway a ensuite été invitée à dévoiler le jeté et le coussin
de la masse avec le chef Bird3. Ensemble, ils ont présenté les articles
à la lieutenante-gouverneure, qui les a acceptés au nom de la Couronne.
Elle les a remis au président, qui les a placés à lextrémité du Bureau
avec laide du premier ministre Calvert et de M. Wall. Le sergent darmes
a ensuite placé la masse sur le jeté et le coussin pour la première fois.
Le don du jeté et du coussin sur lesquels reposera la masse pendant toutes
les délibérations de lAssemblée serviront de rappel permanent du rôle
quont toujours joué les Premières nations dans lhistoire de la province.
Le jeté perlé en peau dorignal est intitulé Treaties Forever et comprend
des symboles, des objets artisanaux et des matériaux traditionnels. Selon
les enseignements autochtones, le Créateur a donné des cadeaux aux humains
pour leur alimentation et leur subsistance. Ces cadeaux sont représentés
par le soleil, lherbe et le cours deau. La présence éternelle du soleil,
de lherbe et du cours deau représentent également lengagement éternel,
pris dans les traités, que leurs dispositions seront honorées à jamais.
Lutilisation dune peau dorignal comme revers du jeté révèle limportance
de cet animal dans la vie quotidienne des membres des Premières nations
du nord. Tout comme le bison au sud, lorignal fournissait nourriture,
vêtements, abris, outils et objets artisanaux aux Autochtones du nord.
La tête de la masse reposera sur un coussin fait de peau de castor, doublé
en peau dorignal. Lutilisation dune peau de castor est un symbole du
rôle important joué par la traite des fourrures dans la création de liens
entre les Premières nations et les colons européens, et dans lexpansion
des établissements vers louest. On peut également observer le symbole
du castor dans les moulures sculptées au-dessus de lentrée des députés
à la Chambre et sur la masse elle-même. Une tresse en peau dorignal entoure
le coussin pour symboliser une tresse de foin dodeur. Dans la culture
des Premières nations des Prairies, on brûle du foin dodeur pendant les
cérémonies pour entrer en relation avec le Créateur. Les enseignements
traditionnels sur la fraternité humaine sont représentés par des glands
de perles fixés aux quatre coins du coussin et par le mélange de perles
rouges, noires, jaunes et blanches dans chaque gland.
Le premier ministre Calvert a été le premier à exprimer sa reconnaissance
pour ces cadeaux offerts à loccasion de lanniversaire de la première
ouverture de lAssemblée législative. Il a souligné la contribution de
Joan Beatty, la première femme autochtone à siéger au cabinet provincial
et la première à souligner la nécessité de faire entrer le symbolisme des
Premières nations à la Chambre. Décrivant les traités comme des ententes
fondatrices, il a indiqué que la présence du jeté et du coussin rappellerait
à jamais à tous ceux qui travaillent à lAssemblée ou la visitent le rôle
historique que les membres des Premières nations et les traités ont joué
dans la création de la province. En terminant, le premier ministre Calvert
a expliqué la signification du cours deau et du soleil sur le jeté le
nom Saskatchewan provient du mot cri désignant un cours deau à débit rapide,
tandis que le soleil est le symbole éternel de la vie. Il a dit espérer
que le « soleil continue à réchauffer la province et les habitants de la
Saskatchewan, et que cette terre baignée par le cours deau à débit rapide
se révèle un lieu daccueil pour tous ».
Le chef de lopposition, M. Wall, a ensuite pris la parole. Il a résumé
certains thèmes abordés dans le premier discours du Trône : les éloges pour
les 26 millions de boisseaux de blé battus lautomne précédent, loctroi
de chartes à des compagnies de chemins de fer, la création de bibliothèques
publiques et dautres questions qui étaient alors dactualité. Il a ensuite
déploré que les Premières nations nétaient pas mentionnées, ni dailleurs
les traités qui ont permis de tisser des liens entre la Couronne, les colons
et les premiers habitants du territoire. M. Wall a ensuite repris une déclaration
de Bono, qui a soutenu que toutes les époques ont leurs propres « illères
morales », et il a décrit le sort réservé aux Premières nations pendant
le premier siècle de la province. Lacceptation du jeté et du coussin servira,
selon lui, à rappeler quil faut respecter ceux qui ont trop souvent été
oubliés et abandonner officiellement lutilisation de cette illère dans
lhistoire de la province.
Le président Kowalsky a conclu la cérémonie en remerciant tous ceux qui
y avaient participé. Il a mentionné, en particulier, les représentants
des assemblées législatives du Manitoba, des Territoires du Nord-Ouest
et du Nunavut, des régions qui, comme lAlberta, ont déjà fait partie des
Territoires du Nord-Ouest4.
Notes
1. Citation provenant de la transcription littérale de la cérémonie préparée
par la direction du hansard de lAssemblée législative.
2. Citation provenant de la transcription littérale de la cérémonie préparée
par la direction du hansard de lAssemblée législative.
3. Le jeté et le coussin ont été conçus et créés par Florence Highway,
de Pelican Narrows. Mme Highway est membre de la Peter Ballantyne Cree Nation,
établie dans le nord de la Saskatchewan. Cest sa mère Maggie qui lui a
fait connaître son patrimoine autochtone. Mme Highway a appris la langue
crie et les arts de la broderie perlée et de lécorce de bouleau en motif
mordelé lorsquelle était enfant, puis a exploré de nouveau ces formes
dartisanat à lâge adulte.
4. Cet événement historique a été diffusé en direct sur le Saskatchewan
Legislative Network. Les comptes rendus seront utilisés comme matériel
didactique par le Bureau du commissaire aux traités. De plus amples renseignements
sont disponibles sur le site Web de lAssemblée législative, à ladresse
www.legassembly.sk.ca/news/default.htm.
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