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Rob Leone
Legislatures par David Docherty
The Canadian Democratic Audit Series, UBC Press, Vancouver, 2005
Legislatures présente les résultats d'une enquête sur la nature démocratique
des corps législatifs canadiens. Ce volume de la collection « Canadian Democratic
Audit » (Le Canada aujourd'hui : une enquête sur la démocratie) ne se limite
pas à la seule étude du parlement fédéral, et offre, lorsque l'information
requise est disponible, un aperçu de l'état actuel de la démocratie au
sein des assemblées législatives provinciales. Quand bien même Docherty
tente, lorsque les données le lui permettent, d'établir la façon dont ces
corps législatifs ont évolué avec le temps, son livre ne se veut en aucune
manière un manuel traitant de l'histoire de ces assemblées législatives.
Son enquête avait, en effet, pour objet d'établir l'état actuel de la démocratie
au sein de ces assemblées, plutôt que d'étudier son évolution passée.
Cet ouvrage possède de nombreuses qualités, la première étant qu'il nous
offre, avec les résultats de son enquête, une mise à jour sur le fonctionnement
des assemblées législatives canadiennes. Il fait ainsi le point sur les
règles institutionnelles, officielles ou non, qui sont actuellement en
vigueur dans les différentes assemblées législatives. Ces règles ont des
répercussions sur le comportement des premiers ministres, des cabinets
et des députés d'arrière-ban, de même que sur la façon dont les projets
de loi sont débattus et adoptés. Par ailleurs, de grands thèmes, tels que
la représentation, l'examen et la présentation des projet de loi, y sont
abordés dans le cadre d'une analyse du fonctionnement des assemblées législatives
canadiennes. D'autres facteurs, comme la discipline de parti, les nominations
aux charges parlementaires, et les travaux des comités, y font également
l'objet d'une analyse qui, autour de ces trois mêmes thèmes, constitue
une précieuse mise à jour au regard des ouvrages précédemment publiés sur
le sujet.
Une deuxième qualité de cet ouvrage réside dans le fait que l'enquête,
et l'analyse subséquente, ne portent pas uniquement sur le fonctionnement
des assemblées législatives, mais également sur l'influence que peuvent
avoir ces institutions sur les simples citoyens. L'étude de ce dernier
point est directement lié au fait que les principaux critères de référence
utilisés dans le cadre de l'enquête sur la démocratie sont la participation
de la population, l'inclusion et la fidélité. Il en résulte que l'étude
ne s'intéresse pas uniquement aux travaux qui se déroulent dans l'enceinte
des assemblées législatives, mais cherche également à mettre en lumière
ce qui est accompli hors leurs murs. Nous avons souvent tendance à considérer
que ces assemblées sont des entités distantes et nous oublions trop souvent
que les députés ont également des devoirs à remplir dans leur circonscription
électorale, aux quatre coins du pays, lorsqu'ils ne siègent pas à l'assemblée.
Ce n'est pas là une idée nouvelle, mais elle est parfois négligée dans
les ouvrages consacrés aux assemblées législatives. Docherty, quant à lui,
accorde à cette idée la place qui lui revient.
Une autre grande qualité de ce livre est qu'il est écrit dans un style
accessible, car il n'est en rien truffé de ce jargon technique habituellement
réservé aux experts. Et, de fait, cette enquête sur la démocratie au sein
des assemblées législatives canadiennes pourrait intéresser un éventail
de lecteurs divers et variés. L'auteur évite, cependant, d'être trop simplificateur,
ce qui pourrait le rendre inutile aux yeux des spécialistes à la recherche
d'un ouvrage récent et à jour sur les institutions législatives canadiennes.
En résumé, Docherty, dans cet ouvrage, a su trouver le juste milieu.
Docherty cherche également, tout au long de son livre, à se montrer équitable
envers divers points de vue adverses quant à l'état et au devenir de ces
assemblées législatives. Ainsi, dans son chapitre consacré à la représentativité,
Docherty, lorsqu'il se penche sur l'aspiration à une assemblée législative
qui reflète la diversité démographique de notre société, n'oublie pas de
souligner que l'existence de ce désir de parité démographique au sein de
nos assemblées ne signifie pas pour autant que nous devrions obtenir, ou
même espérer, une représentativité démographique équitable. Cela s'explique,
plus particulièrement, par l'existence d'un scrutin qui rend difficile
de garantir que la composition de l'assemblée reflète celle de la population.
Ainsi, l'enquête atteint-elle ici parfaitement son objectif, qui est d'analyser
ces concepts objectivement.
Certaines des pages les plus intéressantes de Legislatures sont celles
que l'auteur consacre à l'analyse des sites Web législatifs et de résultats
d'enquêtes non publiées. Ce travail est assorti d'un examen méthodique
de la littérature consacrée aux assemblées législatives, que ce soit au
Canada ou ailleurs dans le monde. Il semblerait que rares sont les auteurs
qui s'intéressent aux assemblées législatives canadiennes. Docherty est
l'un d'eux et son expertise en la matière est clairement établie par la
fréquence avec laquelle il cite ses travaux antérieurs. L'auteur a également
recueilli des données sur les assemblées législatives d'autres pays, et
ce, afin de pouvoir comparer le système législatif canadien à celui d'autres
pays fondés sur le modèle de Westminster et aux États-Unis. Cette comparaison
porte notamment sur le personnel et les ressources des bureaux des députés.
Il est intéressant, à ce sujet, de constater l'inégalité des budgets alloués
aux députés de différentes assemblées. L'absence de formules normalisées
permettant de remédier aux disparités entre les assemblées, et elles sont
nombreuses, constitue l'un des résultats les plus frappants de cette enquête.
Si cet ouvrage doit faire l'objet de controverses, ce sera principalement
au regard des recommandations en matière de réforme que Docherty propose
dans le dernier chapitre. Ses recommandations n'ont cependant rien de révolutionnaire.
Il propose notamment de renforcer la pertinence des assemblées législatives,
d'accroître le nombre de sièges, d'accorder plus de ressources aux bureaux
de circonscription, de modifier les règlements des assemblées afin de réduire
l'influence des partis politiques, et de tirer un meilleur parti des comités
parlementaires. Pourtant, ces recommandations, dans leur formulation, peuvent
parfois sembler contradictoires.
Prenons, par exemple, sa recommandation de renforcer la pertinence des
assemblées législatives. Il dénonce ainsi le fait que les ministres ont
trop tendance à annoncer leur plus importantes décisions politiques hors
de l'assemblée. Les ministres organisent, en effet, souvent des séances
de photographie dans leur circonscription lorsqu'il s'agit d'annoncer des
allocations de fonds ou des programmes importants. Docherty juge que ce
genre de pratique est antiparlementaire, car elle déjoue tout examen. Les
ministres, selon lui, devraient faire la majorité de ces annonces dans
l'enceinte de l'assemblée, tout particulièrement si cette dernière doit
se voir accorder une plus grande pertinence. Il ne faut cependant pas oublier
que l'une des raisons pour lesquelles ces annonces sont faites hors de
l'assemblée est de rapprocher le gouvernement de la population. Ces annonces
visent à réduire l'éloignement qui semble trop souvent exister entre la
capitale et les citoyens, et de faire savoir à ces derniers ce que le gouvernement
fait pour eux.
Qui plus est, chaque annonce faite hors de l'assemblée requiert qu'un projet
de loi y soit déposé afin qu'une loi puisse être adoptée. Contrairement
à ce que prétend Docherty, la pertinence de l'assemblée ne semble donc
pas remise en question. Le fait que l'allocation de fonds, ou la création
d'un programme, soit annoncée hors du corps législatif ne signifie pas
pour autant qu'elle ne fera pas l'objet d'un débat et d'un examen à l'assemblée
compétente. Il est vrai que des procédures peuvent permettre de limiter
le débat à la Chambre, mais les recommandations formulées par Docherty
semblent cependant insuffisantes pour réduire la fréquence de leur recours.
Ces recommandations relatives à la pertinence des assemblées législatives
semblent également entrer en contradiction avec d'autres recommandations.
Ainsi, l'une des raisons avancées pour justifier l'augmentation du nombre
des sièges au sein des assemblées est que de plus petites circonscriptions
permettraient de rapprocher la population de son député. De même, accroître
les ressources des bureaux de circonscription permettrait aux députés d'offrir
un meilleur service aux citoyens de leur circonscription électorale. Toutes
ces mesures semblent donc viser à accroître le contact entre les élus et
la population.
Ces quelques réserves ne doivent cependant aucunement dissuader qui que
ce soit de lire cet ouvrage. Il constitue une mine d'informations utiles
et pertinentes. La plupart des recommandations qui y sont formulées, notamment
celles relatives à la discipline de parti et à la mise à jour des règles
institutionnelles régissant les assemblées, accroîtraient grandement, si
elles étaient mises en uvre, la démocratie au sein des assemblées législatives
du Canada.
En fin de compte, David Docherty, en nous présentant les résultats de son
enquête dans Legislatures, nous offre un ouvrage moderne, complet et à
jour sur les assemblées législatives du Canada, qui constitue le successeur
tant attendu au dernier ouvrage sur le sujet publié en 1987 par C.E.S.
Frank. En effet, ce dernier livre constituait, depuis près de 20 ans, le
seul ouvrage de référence disponible pour les étudiants travaillant sur
les assemblées législatives canadiennes. C'est pourquoi il est prévisible
que l'ouvrage de Docherty devienne très rapidement un incontournable pour
toute personne s'intéressant de près ou de loin à l'avenir de ces corps
législatifs.
Rob Leone
Étudiant au doctorat
Département de sciences politiques
Université McMaster
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