| 
 
PDF
 
 
L'hon 
Don Boudria; Bob Delaney; Alana Delong; Yvonne Jones; Lloyd Snelgrove; Wally Stiles; Judy Streatch
  
 
À lune des séances de travail du 27e Colloque de la Région canadienne de
 lAssociation parlementaire du Commonwealth, lobjet de la discussion a
 été lévolution du rôle des législateurs fédéraux et provinciaux. Les extraits
 de conversation présentés ci-dessous résument brièvement à quel point le
 rôle de législateur a changé au cours des récentes années. Wally Stiles
 représente Petitcodiac à lAssemblée législative du Nouveau-Brunswick;
 Don Boudria, Glengarry PrescottRussell à la Chambre des communes; Bob
 Delaney, Mississaugua-Ouest à lAssemblée législative de lOntario;Yvonne
 Jones, Cartwright-LAnse Au Clair à la Chambre dassemblée de Terre-Neuve-et-Labrador;
 Lloyd Snelgrove, Vermillion-Lloydminster à lAssemblée législative de lAlberta;
 Judy Streatch, Chester-St Margarets à la Chambre dassemblée de la Nouvelle-Écosse;
 Alana DeLong, Calgary-Bow à lAssemblée législative de lAlberta. 
 
Wally Stiles (Nouveau-Brunswick) : Je devrais préciser avant tout que je
 représente une circonscription rurale et que je siège du côté ministériel
 à lAssemblée législative. À mon avis, les députés des régions rurales
 sont appelés à se pencher sur une gamme beaucoup plus vaste de préoccupations
 des électeurs, étant donné létendue géographique de leur circonscription.
 
 
Au Nouveau-Brunswick, nous avons récemment reçu un rapport de la Commission
 sur la démocratie législative. Une section complète de ce rapport traite
 de lamélioration du rôle du député. La Commission souligne que, en théorie,
 ce rôle est triple, puisque le député est à la fois fiduciaire, délégué
 et partisan. 
 
À titre de fiduciaire, le législateur se fie à son propre jugement, même
 si celui-ci va à lencontre de la volonté de ses électeurs. À titre de
 délégué, le législateur doit refléter cette volonté, même si celle-ci est
 contraire à son opinion personnelle. Par ailleurs, le rôle dun politicien
 est de défendre et de promouvoir son parti politique. Il nous arrive sans
 doute de remplir ces trois mandats simultanément, mais nous accordons sans
 doute une importance variable à chacun deux. 
 
Le gouvernement représentatif existe depuis plusieurs centaines dannées,
 mais dans nos provinces respectives, la situation a énormément changé depuis
 que nous avons adopté nos institutions actuelles. Le fait même de gouverner
 est devenu beaucoup plus complexe et les enjeux ont pris beaucoup plus
 denvergure. Les lois et les règlements sont plus exhaustifs et ont une
 incidence dans nos vies personnelles comme jamais auparavant. 
 
La société sest, elle aussi, complexifiée. Les voix sont multiples et
 diverses et veulent toutes se faire entendre. Les aspects régionaux et
 linguistiques exigent tous notre attention. Les médias ont eu un impact
 majeur sur le gouvernement et la politique en général. Ils déterminent,
 dans une large mesure, comment on sera perçu et quelles décisions seront
 prises. 
 
Les nouvelles technologies, comme le téléphone cellulaire et Internet,
 ont donné aux citoyens un pouvoir accru de communication avec leurs concitoyens
 et leurs députés, ce qui force les gouvernements et les législateurs à
 être plus sensibles à ce qui se dit à lextérieur des assemblées législatives. 
 
Il ny a pas si longtemps, une personne était élue dabord et avant tout
 pour devenir un législateur. Il semble maintenant que les préoccupations
 locales aient la prépondérance et que le temps consacré aux travaux de
 lAssemblée législative soit presque secondaire, du moins dans lesprit
 de bien des citoyens. Nous avons tous reçu des appels délecteurs qui demandaient
 notre aide dans diverses situations. Par exemple, des électeurs ont récemment
 demandé à mon bureau comment brancher un système de télévision satellitaire
 et comment assécher un marais local. 
 
En terminant, permettez-moi de rappeler certaines des critiques qui sont
 le plus fréquemment formulées à légard des législateurs. On nous accuse
 de ne pas suffisamment représenter nos électeurs et de privilégier plutôt
 nos partis. On nous accuse de jouer le jeu des médias au lieu de fouiller
 les dossiers pour trouver les informations requises. Fréquemment, on accuse
 les législateurs de nêtre pas tenus de rendre compte de leur travail et
 on soutient que les gouvernements ont trop de pouvoir. 
 
Beaucoup de ces critiques témoignent de la transformation des attentes.
 Elles ont contribué à la baisse de confiance des électeurs à légard de
 leurs leaders et de leurs institutions politiques. Je ne connais pas la
 solution à tous ces problèmes, mais je sais que bon nombre de législateurs
 se penchent sur ce quon appelle maintenant le déficit démocratique. Je
 serai très heureux dentendre les observations des autres à ce sujet. 
 
Don Boudria (Chambre des communes) : À lorigine, les parlementaires étaient
 des législateurs. Leur mandat était dabord et avant tout de faire des
 lois et cest pour cela quils étaient élus. Ils agissaient aussi à titre
 de représentants, puisquils parlaient à leurs électeurs et sadressaient
 ensuite à la Chambre. 
 
De nos jours, cependant, nous jouons en plus un rôle dombudsman, ce qui
 est relativement nouveau. Les Pères de la Confédération navaient certes
 pas envisagé que notre tâche puisse évoluer en ce sens, et les générations
 antérieures de politiciens non plus. Au palier fédéral, nous avons divers
 adjoints de circonscription qui nous aident à accomplir cette tâche. Cet
 état de fait na pas été sans conséquence pour la bureaucratie. 
 
Le principal exemple est celui de limmigration, secteur dont la bureaucratie
 devrait normalement soccuper. Toutefois, le bureau du député est devenu,
 en quelque sorte, un bureau dappel pour tous ceux qui éprouvent des difficultés
 relativement à limmigration. On me dit que, dans certaines régions urbaines,
 90 p. 100 du travail de mes collègues fédéraux se rapportent à limmigration.
 Je me demande donc si la bureaucratie prend ses responsabilités moins au
 sérieux, étant donné que les députés essaient de corriger tous les problèmes
 lorsquils se posent. 
 
Permettez-moi de vous donner certains exemples personnels des changements
 qui ont modifié nos relations avec les électeurs depuis mon entrée en politique.
 En 1981, à titre de député provincial, jai dû minitier au fonctionnement
 dun télécopieur et quelquun ma expliqué comment lutiliser dans le cadre
 dune campagne électorale. Durant la campagne de 1988, je disposais dun
 téléphone cellulaire occupant lespace dune petite mallette dans mon auto.
 Durant la campagne électorale de 1993, javais un téléphone portable assez
 lourd, mais que je pouvais tout de même porter sur moi. Aujourdhui, je
 porte à la fois un téléphone cellulaire et un BlackBerry, et ils sont si
 petits que vous ne les voyez probablement pas. Grâce à cette technologie,
 notre travail sest modifié radicalement. Nous recevons des messages de
 nos électeurs et des téléphones urgents en tout temps, le jour comme la
 nuit, même quand nous siégeons à la Chambre. On sattend à ce que nous
 répondions immédiatement et nos électeurs perdent patience si ce nest
 pas le cas. 
 
Récemment, jai lu une lettre dun de mes prédécesseurs, qui a été député
 en 1910. Il disait quil entamait une tournée dans sa circonscription et
 quil serait de retour dans un mois. De nos jours, on peut nous trouver
 où que lon soit. Les gens sattendent à ce que je puisse visiter tous
 les coins de ma circonscription et être de retour à Ottawa pour le début
 de la séance le lendemain matin. 
 
Un autre élément que je tiens à souligner est le fait que nos électeurs
 ont du mal à déterminer ce qui est de compétence fédérale, provinciale
 ou municipale. On ne peut exiger quils sachent cela et on doit être prêt
 à les aider pour quils puissent sy retrouver dans ce dédale de ministères
 et programmes gouvernementaux. Cela peut sembler paradoxal, mais, grâce
 à ce rôle dombudsman, les gens se rapprochent des législateurs au moment
 même où ils se disent de plus en plus étrangers à la politique. 
 
Bob Delaney (Ontario) : Je voudrais soulever quelques points sur un autre
 facteur qui a modifié notre rôle de législateur, du moins dans mon parti.
 Nous avons modifié sensiblement notre façon de choisir les candidats. Je
 pense ici à léquilibre entre les candidats correspondant au choix de la
 direction du parti et ceux qui sont issus de ce que lon appelle « lanarchie
 au niveau de lassociation de circonscription ». Quoi quil en soit, cette
 nouvelle façon de procéder a apporté au parti de nombreux députés fort
 compétents dordre ministériel ou darrière-ban. Le premier ministre a
 donc augmenté le nombre de députés qui ont accès aux comités du Cabinet.
 Nous avons maintenant un système grâce auquel des législateurs siègent
 à chacun des comités du Cabinet. 
 
La présence de plusieurs paires dyeux additionnelles durant le processus
 prélégislatif a aidé le gouvernement et la bureaucratie à éviter les erreurs.
 Jai vu personnellement certains cas où des problèmes potentiels ont été
 portés à lattention du gouvernement et les modifications requises ont
 été apportées avant que les projets de loi ne soient présentés à lAssemblée
 législative. Il est parfois plus facile pour les députés, qui nont pas
 participé aux discussions et à la prise de décisions dans les ministères,
 dexaminer les projets de loi dans une optique nouvelle et différente. 
 
Lorganisation du travail de notre caucus a aussi changé. Les lundis sont
 réservés aux séances de stratégie législative. Les ministères présentent
 des séances dinformation sur les projets de loi qui les concernent. Le
 Cabinet tout entier, y compris le premier ministre, est habituellement
 présent à ces séances dinformation. Ainsi, le député ordinaire peut donner
 son opinion et même exercer une certaine influence. Je pourrais aussi mentionner
 certaines autres modifications. Par exemple, on a accordé une plus grande
 marge de manuvre aux présidents des comités, qui peuvent ainsi plus librement
 remplir leur mandat. 
 
Yvonne Jones (Terre-Neuve-et Labrador) : Je représente une circonscription
 rurale du nord de la province, très éloignée de la capitale, et les attentes
 de mes électeurs diffèrent énormément de ce quon exige des députés habitant
 plus près de St. Johns. Aux yeux de mes électeurs, je ne suis pas une législatrice
 ni une conceptrice de politiques. Ils considèrent que jai été élue pour
 leur venir en aide dans toutes les situations possibles de leur vie personnelle
 ou professionnelle. 
 
Par ailleurs, les attentes varient selon la situation économique de mes
 électeurs. Lorsque la crise frappe le secteur des pêches, ou que le taux
 de chômage grimpe, les attentes de mes électeurs augmentent en conséquence.
 Ils me font parvenir leur curriculum vitæ en croyant que je pourrai leur
 trouver un emploi. 
 
Puisque jhabite une région éloignée, les bureaux gouvernementaux sont
 rares dans ma circonscription. Les gens se fient donc à moi pour assurer
 la liaison entre eux et le gouvernement, quil soit provincial ou fédéral.
 Par exemple, sils doivent remplir une demande relativement à un programme
 dhabitation, non seulement je la vérifie, mais je finis par la remplir
 pour eux. Mes fonctions sont diverses, car je dois tout autant trouver
 des services médicaux que régler les problèmes des pêcheries. Plus les services
 seront centralisés dans les régions urbaines, plus les députés des régions
 rurales devront répondre à des demandes multiples. 
 
Lloyd Snelgrove (Alberta) : Je suis convaincu que nous avons tous connu
 des journées où nous nous demandions ce que nous étions venus faire en
 politique. Au bout du compte, nous savons tous quil sagit daméliorer
 la vie des gens et je sais que nous avons tous été interpellés en pleine
 rue par un électeur qui voulait nous remercier de lui avoir apporté de
 laide. 
 
Je suis député depuis cinq ans et les choses ont énormément changé durant
 cette période. Mon prédécesseur était ministre et il était souvent appelé
 à réduire les services, de sorte que les gens de la circonscription nétaient
 pas portés à se rendre à son bureau. Après mon élection, jai été surpris
 de voir que les électeurs ne faisaient pas la file à ma porte. La situation
 a évolué peu à peu. Mes électeurs ont compris graduellement que mon bureau
 pouvait régler les problèmes ou, du moins, leur indiquer à qui ils pouvaient
 sadresser pour obtenir une solution. 
 
Mon bureau répond annuellement à quelque 3 500 appels téléphoniques. Au début,
 javais embauché une personne qui devait travailler à temps partiel de
 9 heures à 15 heures, mais elle travaille maintenant plus de 60 heures par
 semaine. Nous demandons toujours aux gens quelles sont leurs attentes à
 légard de mon bureau. Souvent, dans la moitié des cas environ, ils veulent
 me rencontrer pour me donner leur avis sur un sujet quelconque. Ils veulent
 que, à titre de représentant élu, je sois au courant de leurs préoccupations
 relativement aux grands dossiers de lheure. 
 
Ils veulent être mis en contact avec le bon ministère. Un député ne peut
 pas dire à une personne que telle ou telle question nest pas de sa compétence.
 Il doit diriger lélecteur vers le bureau approprié, que ce bureau soit
 dordre provincial, fédéral ou municipal. 
 
Judy Streatch (Nouvelle-Écosse) : Je noserais pas comparer mon expérience
 de trois mois à celle de certains collègues qui exercent des fonctions
 législatives depuis 30 ans et plus. Néanmoins, je dois dire que jai tout
 de même un point de vue unique sur le fait daider des électeurs à régler
 des problèmes qui relèvent dun autre ordre de gouvernement. Mon conjoint
 est député à la Chambre des communes. Par conséquent, quelle que soit la
 question, un de nous deux devrait pouvoir y répondre. En fait, nous partageons
 un bureau de circonscription et le personnel qui y travaille. Nous pouvons
 donc faire appel aux ressources des deux ordres de gouvernement. Comme
 vous pouvez facilement limaginer, lhoraire dune famille qui compte deux
 politiciens est extrêmement chargé, mais, jusquà maintenant, le résultat
 a été très profitable pour nos électeurs. Il est bien évident que je ne
 recommande pas cette situation à tous les députés. 
 
Alana DeLong (Alberta) : Je tiens à soulever un seul point : la formation
 des députés. À titre de nouvelle députée à lAssemblée législative, jai
 constaté de graves lacunes sur le plan de linformation qui nous est fournie.
 Je viens du milieu de la technologie de linformation, où les gens doivent
 recevoir plusieurs semaines de formation par année uniquement pour se tenir
 au courant de lévolution dans leur secteur. Or, lorsquils sont élus,
 les députés doivent sinitier à une fonction totalement nouvelle. Certains
 dentre eux, comme moi par exemple, nont jamais fait de politique auparavant.
 Et pourtant, en matière de formation à la charge de représentant de la
 population, ils sont laissés pour compte. Nous devons réfléchir sérieusement
 au genre de formation quil faudrait offrir aux députés, par exemple sur
 la façon de prononcer des discours ou de gérer du personnel et sur les
 moyens quils peuvent prendre pour devenir globalement de meilleurs représentants
 et de meilleurs législateurs. 
 
 |