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Observations sur la surveillance de l'élection présidentielle en Ukraine
L.hon. Myron Kowalsky

En décembre 2004, quelque 500 Canadiens ont participé à la surveillance de l’élection présidentielle en Ukraine, qui a fait suite à l’élection déclarée invalide par la Cour suprême de l’Ukraine. Dans le présent article, l’un des nombreux législateurs canadiens, actuels et anciens, à avoir été observateurs électoraux livre quelques-unes de ses réflexions. 

Coordonné par le Corps canadien, le contingent canadien d’observateurs électoraux était divisé en 17 équipes composées chacune d’environ 20 observateurs. La logistique de l’équipe était coordonnée par un chef d’équipe et un agent de liaison canadien. Nous avons tout fait pour demeurer neutres et nous avons évité de porter des vêtements de couleur bleu, couleur du clan Ianoukovitch ou orange, celle du clan Iouchtchenko. Nous devions nous concentrer sur le processus électoral. Nous nous sommes familiarisés avec les articles pertinents de la loi électorale ukrainienne de manière à pouvoir dire avec objectivité et impartialité s’il y avait eu respect ou non de la loi et du mécanisme électoral. 

Presque partout, nous avons été accueillis par une population désireuse de montrer au monde que l’Ukraine pouvait tenir une élection juste et transparente et d’être perçue comme une société démocratique et indépendante. Pour les observations, nous avons travaillé en groupes de deux avec l’appui d’un chauffeur et d’un interprète. 

À Noël, nous avons visité les bureaux de scrutin afin de vérifier si les lieux étaient appropriés et accessibles, ainsi que l’état de préparation de l’élection. À 20 h, nous avons constaté que les bulletins de vote avaient été mis sous clef dans des coffres-forts, que les listes électorales avaient été révisées en bonne et due forme et placées en sûreté. Comme il était huit heures plus tôt qu’en Saskatchewan, nous avons pu appeler nos familles et les assurer que nous serions de retour pour le Nouvel An et le Noël ukrainien. 

Les bureaux de scrutin en Ukraine sont dirigés par une commission électorale de secteur (CES) composée d’un nombre égal de représentants des deux candidats, jusqu’à un maximum de 16. Deux personnes, le chef et le secrétaire, représentant chacun l’un des deux candidats, occupent la tête de la CES. 

La surveillance du jour de l’élection, qui comprenait la prise de notes et de photographies du processus électoral, a commencé à 7 h 15, le 26 décembre. Nous sommes arrivés à un secteur électoral pour observer les commissaires sortir les bulletins de vote et les listes électorales du coffre-fort, compter les bulletins, sceller les boîtes, donner les dernières consignes et ouvrir les portes des bureaux de scrutin à 8 h. 

Deux par deux, les membres de la commission ont distribué les bulletins de vote. Pour chaque bulletin, on a rayé de la liste le nom de l’électeur, et un membre de la commission et l’électeur en ont signé la partie détachable. L’électeur s’est rendu dans une cabine individuelle, comme au Canada, et y a déposé son bulletin dans une boîte transparente et scellée. Un observateur local a tenu le compte de chaque bulletin déposé dans la boîte. Le processus de vote auquel j’ai assisté était bien organisé et s’est déroulé dans l’ordre. D’un bureau de scrutin à l’autre, nous avons observé un taux de participation constant, sans précipitation de dernière minute avant l’heure de fermeture à 20 h. Un pourcentage de participation d’environ 77 % représente un taux enviable selon les normes canadiennes. 

La loi ukrainienne prévoit des boîtes mobiles pour les gens incapables de marcher ou de se rendre aux bureaux de scrutin, car la plupart de ceux-ci ne sont pas accessibles en fauteuils roulants. Pour voter de cette façon, les personnes handicapées doivent s’enregistrer à l’avance. 

Deux membres de la commission, représentant chacun un candidat et accompagnés d’observateurs, sont allés à la résidence des électeurs préenregistrés avec une boîte de scrutin mobile. Environ 40 bulletins sur un total de 2 000 ont été ainsi remplis dans le secteur que je surveillais. 

L’accès au mode de scrutin mobile constitue un enjeu politique en ce moment. Après le premier scrutin de ballottage, on a modifié la loi électorale ukrainienne de manière à restreindre ce mode de scrutin mobile aux personnes les plus gravement handicapées afin de réduire les abus, car on prétendait qu’un trop grand nombre de personnes s’en prévalaient. Les opposants au changement affirment que la nouvelle loi empêche un grand nombre d’électeurs de se prévaloir de leur droit de vote. 

À la dernière minute, la Cour suprême a décidé d’assouplir légèrement les exigences d’admissibilité à l’accès au vote mobile. 

À la fermeture des bureaux de scrutin, les commissaires ont d’abord traité les plaintes qu’on leur avait déposées. Ensuite, ils ont fait le compte du nombre total de bulletins, comparé ce chiffre au nombre d’électeurs inscrits sur la liste et aux parties détachables des bulletins. Ensemble, le président et le secrétaire de la commission ont examiné tous les bulletins et les ont placés en quatre piles : une pour le candidat A, une pour le candidat B, une pour aucun des candidats et une pour les bulletins de vote annulés. 

Dans cette circonscription, le comptage a duré quatre heures. Une fois les résultats connus, les 16 membres de la commission ont rempli et signé un rapport. Ce rapport, accompagné des bulletins de vote scellés dans des boîtes, a été remis à la commission électorale territoriale (CET), qui a revérifié le compte et a renvoyé trois de la centaine de rapports des commissaires pour corrections techniques. Même si le comptage des votes et la compilation des résultats ont duré toute la nuit et, dans certains cas, jusqu’au lendemain matin, les commissions électorales ont pris grand soin de fournir des données exactes et de faire preuve de transparence.  

Grâce à la loi électorale révisée, à son application minutieuse et à la présence d’observateurs internationaux, cette nouvelle élection a pu se dérouler dans l’intégrité. 

Mes observations personnelles concordent avec celles du très honorable John Turner (dirigeant officiel du Corps canadien), à savoir que la reprise de l’élection présidentielle en Ukraine s’est déroulée équitablement et librement et que les complications observées sont attribuables à l’erreur humaine et comparables à celles que l’on peut retrouver ici au Canada. 

Les Ukrainiens tenaient à montrer au monde entier qu’ils étaient capables de mener une élection dans les règles. La présence de Canadiens, de Russes, de représentants de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), d’Américains et d’observateurs ukrainiens partisans a probablement contribué à éviter la falsification des résultats de l’élection. 

Je suis d’avis que la mission du Corps canadien a non seulement aidé l’Ukraine à instaurer la démocratie, mais a aussi permis de réorienter la politique étrangère canadienne vers des activités louables. Dans le cadre de cette mission, le rôle du Canada s’est précisé en tant que nation désireuse d’aider les autres pays à développer des communautés pacifiques et démocratiques. 

Le président nouvellement élu peut véritablement affirmer qu’il a reçu le mandat de gouverner. Les attentes des électeurs sont grandes : ils veulent une gouvernance juste et transparente. En 1991, l’Ukraine a enclenché un processus d’indépendance. En 2004, les Ukrainiens ont emprunté la voie les menant à la démocratie. 

En réfléchissant à mon expérience, je me souviens des objectifs de l’Association parlementaire du Commonwealth, composée de législateurs élus provenant de tout le Commonwealth. L’APC a pour mission de faire la promotion et le développement de processus et d’institutions démocratiques. L’APC a aidé de nombreux pays en développement à élaborer des coutumes et des institutions démocratiques. En tant que membre de l’APC depuis longtemps, j’ai le sentiment du devoir accompli et je suis honoré d’avoir pris part à cette mission d’observation de l’élection en Ukraine. 


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 28 no 1
2005






Dernière mise à jour : 2020-09-14