Serge Pelletier
Le fédéralisme fiscal au canada, rapport du
groupe de travail parlementaire sur les accords fiscaux entre le gouvernement
fédéral et les provinces, Ottawa, approvisionnements et services canada, 1981,
230 pages.
Le 5 février 1981, en prévision du
renouvellement des accords fiscaux quinquennaux venant a échéance au début de
1982, le gouvernement fédéral constituait un groupe de travail parlementaire
avec le mandat d'étudier les programmes autorisés par la loi de 1977 sur les
accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le
financement des programmes établis en s'occupant en particulier de la
péréquation, des accords de perception fiscale, du régime d'assistance publique
du Canada et du financement des programmes établis et que cette étude se
fasse dans le contexte du plan des dépenses du gouvernement exposé dans le
budget du 28 octobre 1980.
Le Groupe de travail rendait public son
rapport le 31 août 198 1. Pour comprendre la nature et la portée des analyses
et des recommandations du rapport. il convient de rappeler brièvement le
contexte politico-économique dans lequel les, provinces et le gouvernement
fédéral s'apprêtent à renégocier les accords fiscaux.
En octobre 1980, le ministre fédéral des
finances annonçait l'intention du gouvernement de comprimer de $1,5 milliard
les transferts fiscaux aux provinces. Ces compressions avaient été rendues
nécessaires, dans l'esprit du gouvernement à cause des déficits budgétaires
croissants des dernières années. Les transferts fiscaux aux provinces comptent
pour près de 201( du budget fédéral soit une somme de S 19 milliards pour
l'année 19801981. D'autre part. le financement par programme de l'assurance
santé. de l'assistance sociale et de l'éducation postsecondaire, calculé sur
une base per capita, entraîne des transferts fiscaux importants à des provinces
qui à cause des rentes pétrolières, cumulent des surplus budgétaires
considérables. Le dualisme fiscal entre provinces riches et provinces pauvres
et la menace d'un déséquilibre fiscal structurel à long terme entre la capacité
de recettes et les responsabilités de dépenses du gouvernement fédéral sont
autant de raisons qui ont incité le gouvernement fédéral à exiger un
réaménagement des accords fiscaux impliquant une restructuration des transferts
fiscaux aux provinces.
Les gouvernements provinciaux d'autre part, à
l'exception de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan,
sont tous confrontés à des déficits budgétaires croissants, et plusieurs
commencent à sabrer les dépenses sociales. Aussi, espèrent-ils des négociations
fiscales des rajustements à la hausse des transferts fédéraux qui ont été
inférieurs en croissance à la hausse des budgets fédéraux et provinciaux et aux
indices mesurant l'inflation, Certaines provinces exigent en plus le retrait
fédéral de certains programmes qui serait compensé par un transfert de points
d'impôts.
Les conclusions du rapport se trouvent à
mi-chemin entre les attentes du gouvernement fédéral et celles des provinces.
Le Groupe rejette d'emblée la notion de déficit fédéral structurel et soutient
que le fédéral doit maintenir des transferts fiscaux à un niveau adéquat en
ayant à l'esprit le bien-être de la population, une redistribution équitable de
la richesse et le respect de l'autonomie provinciale. En revanche, le Groupe
rejette l'idée des provinces d'un retrait fédéral du financement de certains
programmes provinciaux, financement qu'il Voudrait d'ailleurs accompagné d'une
supervision fédérale accrue dans certains cas, de façon à assurer le respect
scrupuleux des normes nationales, l'harmonie fiscale et la coordination
économique.
Les principes de base ainsi posés, le groupe
de travail examine successivement les cinq grands secteurs qui font l'objet
d'accords fiscaux., soit le système de santé, l'éducation post secondaire,
l'assistance sociale, lia péréquation, l'harmonisation fiscale et la
coordination économique.
Les auteurs sont d'avis que le système de
santé au Canada serait menacé advenait une réduction du niveau global actuel du
soutien fédéral, Certaines provinces pourraient ainsi être tentées de recourir
au financement privé ou de réduire les services. Le Groupe Juge suffisant.
clans l'ensemble, le financement fédéral des programmes de santé, mais
recommande au gouvernement fédéral d'établir des conditions nationales de
programme claires afin d'assurer un contrôle accru: ainsi une province qui
dévierait des conditions de programme pourrait se voir privée d'une partie des
transferts fédéraux. De plus, le Groupe recommande une plus grande
harmonisation des services de santé à travers le pays et condamne la tendance
actuelle à la facturation supplémentaire et à la désaffiliation des médecins du
système public de santé. Finalement, il est recommandé que le., programmes de
..santé mettent davantage l'accent sur l'aspect préventif par opposition a
l'aspect curatif de la médecine actuelle.
Au chapitre de l'enseignement postsecondaire.
le groupe réaffirme la compétence provinciale exclusive en ce domaine. mais il
s'empresse d'ajouter qu'en vertu de son rôle économique national et de son
rôle de promoteur de l'égalité des chances pour tous les Canadiens. le
gouvernement fédéral est justifié d'intervenir. Aussi, le rapport
recommande-t-il de reconduire ces ententes de financement global par le fédéral
de l'éducation postsecondaire, les provinces restant maîtres cependant du
contenu et de l'administration des programmes.
Quant au Régime d'assistance publique au
Canada, le groupe de travail est d'avis que le gouvernement fédéral a une
responsabilité constitutionnelle en ce qui concerne les programmes de
redistribution de revenu et de prestations monétaires (allocations familiales,
assurance-chômage, aide aux handicapés, etc.) Le Groupe estime qu'il ne faut
pas réduire l'effort financier global consenti en faveur des programmes sociaux
mais suggère d'examiner des solutions de rechange à l'assistance sociale,
telles l'incitation au travail , le complément de revenu, le crédit d'impôt et
l'amélioration des possibilités d'emploi et de formation. Il recommande en
outre de resserrer le contrôle fédéral de l'administration des programmes
sociaux par les provinces.
Le système canadien de péréquation a l'appui
inconditionnel du groupe de travail. Tout au plus se borne-t-il à suggérer quelques
améliorations mineures telles l'inclusion des impôts fonciers municipaux dans
le calcul des paiements et le raffinement des méthodes de recensement. Le
Groupe estime en outre qu'à 1'avenir les recettes tirées des revenus
pétroliers soient considérées dans le calcul de la péréquation en respectant
certains principes: seule la partie de, recette pétrolières utilisée à des fins
budgétaires serait considérée et seulement dans la mesure ou elle servirait à
financer des services provinciaux normaux. De plus, il faudrait conserver une
forme quelconque de plafond qui limiterait les droits totaux de péréquation
susceptibles d'être versés au titre des recettes provenant des ressources
naturelles, sinon l'augmentation effrénée des transferts de péréquation grèverait
indûment le trésor fédéral.
Finalement, en ce qui concerne l'harmonisation
fiscale et la coordination économique. le groupe de travail propose la
reconduction des accords de 19761981 au chapitre de la perception fiscale avec
quelques aménagements, mineurs et avec l'objectif d'un accord
fédéral-provincial sur un code de conduite fiscal qui interdirait toute forme
de discrimination ou de favoritisme fiscaux.
Le Rapport constitue une étude approfondie du
fédéralisme fiscal canadien. La complexité du su jet en rend la lecture
difficile aux non-initiées et un effort de vulgarisation plus grand en aurait
assuré une diffusion accrue, Il faut rendre justice aux parlementaire du Groupe
de travail. Ils ont accompli un travail colossal malgré des contraintes de
temps très strictes. Il faut savoir gré aux auteurs de s'être montrés
indépendants en interprétant à leur façon le mandat du gouvernement. et en
refusant d'emblée de situer leur étude dans le cadre des coupures budgétaires
gouvernementales. Cette indépendance d'esprit risque toutefois de se retourner
contre eux. En effet, le gouvernement fédéral a accueilli plutôt froidement les
recommandations du Rapport, Est-ce à dire qu'à moins de refléter la politique
générale du gouvernement, les groupes parlementaires ont peu de chances de voir
leurs recommandations acceptées? Ces groupes n'ont-ils d'autre rôle que la
légitimation de la démarche gouvernementale? Si 1'expérience de ces groupes de
travail semble très valorisante et très stimulante pour des parlementaires qui
il n'y a pas si longtemps se plaignaient d'avoir un rôle marginal dans
l'élaboration des politiques, il faudra attendre encore quelques années pour en
évaluer l'impact politique réel.
Serge Pelletier, Division
des affaires politiques et sociales, Service des recherches , Bibliothèque du
Parlement
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