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Richard Guay
Recevabilité d'une motion sur la tenue d'une séance à huis clos, Assemblée nationale, 16 décembre 1984.
Contexte : Il arrive qu'à la fin d'une longue séance
ou au cours d'un long débat, des députés fassent ou disent des choses qui, malgré
les efforts du Président, risquent de nuire à la réputation de l'Assemblée.
Certains députés sont alors tentés de proposer que la séance ait lieu à huis
clos pour que le public ne voie pas les délibérations. Une motion à cet effet
fut proposée à l'Assemblée nationale par le leader adjoint de l'opposition, à 5
h 50 du matin, le vendredi 15 décembre. L'Assemblée siégeait depuis 10 heures
du matin, le jour précédent, et le débat avait porté sur une motion demandant
que la Commission permanente des affaires municipales dépose son rapport sur
l'étude de la Loi sur la participation gouvernementale au financement des
municipalités avant 13 heures, le vendredi.
Décision du Président (Richard Guay) : On peut soutenir
que, s'il y a lieu d'invoquer le huis clos, il faut l'invoquer au moment où
commence la séance. À titre d'exemple, il
faut dire que les références sont rares à cet égard, dans l'ancien règlement, où l'on invoque le
huis clos à l'ouverture de la séance, après la lecture de la prière. Il faut
bien expliquer comment cela fonctionnait auparavant et comment cela fonctionne
encore à la Chambre des communes à Ottawa : la prière est faite à huis clos et,
ensuite, le public est admis, contrairement à ce qui se fait ici où le public
est admis dès l'ouverture de la séance.
On dit donc, puisque c'est comme cela que cela
fonctionne à Ottawa : « La prière terminée », l'Orateur procède à compter les
députés présents. S'il y a quorum, il prend place au fauteuil, réclame l'ordre
et les députés s'assoient. Puis, à moins qu'il ne soit proposé, sans avis
préalable, de discuter quelque question à huis clos, l'Orateur ordonne d'ouvrir
les portes des tribunes. Il semblerait
–
il n'y a aucune interprétation qui a été faite de cet article – que c'est
au moment de l'ouverture de la séance que l'on devrait invoquer le huis clos,
sachant que le sujet dont on va délibérer est d'une nature telle qu'il justifie
une motion à huis clos.
Je conviens qu'il subsiste à cet égard une certaine
ambiguïté parce que, si on se fie aux usages de cette Chambre et d'autres
parlements de type analogue, le huis clos n'a jamais, de mémoire en tout cas,
été invoqué pour la Chambre ici. Je ne dis pas que cela ne s'est jamais fait,
mais, en tous cas, on n'a pu retrouver aucune référence à cet égard dans le laps
de temps que nous avons eu pour fouiller la question.
Je précise, encore une fois, que c'est une question
qui s'est posée tellement peu souvent ou jamais qu'il n'y a, en effet, aucune
jurisprudence, aucune référence. La doctrine à cet égard est d'une pauvreté qui
témoigne du fait que c'est une procédure tellement exceptionnelle qu'elle n'a
probablement jamais été utilisée ici.
Poussant plus loin, on doit s'interroger sur la nature
de la motion visant à faire siéger la Chambre à huis clos. C'est une chose
extrêmement sérieuse parce que le principe
qui est, d'ailleurs, énoncé dans le Règlement, veut que l'Assemblée nationale siège en
public, tellement en public que nous avons ouvert nos débats à la population
par la radiotélévision des débats.
Donc, la fermer implique qu'il y a un motif majeur. Le
motif que l'on invoque pour le huis clos, dans de nombreux Parlements, lorsque
la question se pose, par exemple, est la sécurité de l'État.
Je ne discute pas du fond; j'invoque, tout simplement,
la nature de la motion de huis clos. Un huis clos a une raison d'être. Le
plaidoyer que faisait tantôt le député de Gatineau au soutien de la motion
référait à un épisode d'une commission où la commission a accepté de siéger à
huis clos parce que la nature des renseignements qu'elle allait entendre
pouvait compromettre, si je comprends bien, la réputation de certaines
personnes. C'est ainsi que j'ai cru percevoir ce que vous m'avez dit, Monsieur
le député, et cela illustre bien la nature du huis clos.
Le huis clos n'est pas une motion que l'on invoque ex
nihilo en quelque sorte. Pour qu'un Parlement décide de siéger à huis clos, il
faut, au départ, qu'il y ait un motif très sérieux de le faire et ce motif très
sérieux est généralement, dans bon nombre de parlements, la sécurité de l'État.
Ainsi, aux États-Unis, certaines commissions de la Chambre des représentants ou
du Sénat siègent à huis clos lorsque, par exemple, elles entendent le directeur
de l'Agence de contre-espionnage. Enfin, on voit tout de suite la nature des renseignements
qui sont ainsi dévoilés à une commission parlementaire ou à un parlement qui
siège à huis clos et la raison pour laquelle le huis clos est invoqué.
Si on devait avoir du huis clos une notion qui fait
qu'il peut être invoqué en tout moment pour toute question, cela donnerait
lieu, possiblement, à des abus dont l'opposition pourrait être la première à se
plaindre puisqu'en effet, la majorité jouant, si un bon jour la majorité n'aime
pas le débat qui risque de se produire, elle pourrait toujours invoquer le huis
clos et faire accepter ce huis clos à cause de sa force numérique.
C'est précisément pour cette raison qu'à mon avis le
huis clos n'existe que lorsqu'il a un motif extrêmement sérieux, du genre atteinte à la sécurité de l'État, du genre protection de
renseignements personnels qui pourraient compromettre des individus s'ils
étaient dévoilés au grand jour. C'est à cette occasion qu'une motion de huis
clos peut être recevable. En tout autre temps, cela risquerait de devenir un
abus si on l'admettait pour n'importe quelle raison. Les raisons qu'on a
invoquées tantôt étaient qu'il se faisait tard, que la qualité du débat
laissait possiblement à désirer. Ce n'est pas à moi de porter un jugement sur
cela. Si on devait admettre la motion de huis clos pour ce genre de raisons,
c'est-à-dire pour une raison qui n'est pas du genre de celles qui sont
normalement reliées à la raison pour laquelle la Chambre ou une commission
parlementaire va accepter de siéger à huis clos, je soumets alors aux députés de
cette Chambre que nous aurions très souvent des motions pour siéger à huis clos
et que, la majorité l'emportant, c'est souvent l'opposition qui en ferait les
frais. Pour cette raison, j'estime que la motion n'est pas recevable.
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