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Charles Robert
Monsieur,
Il est gratifiant d'apprendre
que des articles rédigés pour cette publication peuvent susciter une réponse
d'un ancien collègue dont l'intérêt pour le Parlement se maintient malgré ses
années d'éloignement de la Colline. Dans le numéro de l'été 2003 de la Revue
parlementaire canadienne, M. Richard Jones s'est offusqué de ma réplique
(publiée dans la livraison de l'automne 2002) à un article sur le bâton du
président qu'avait fait paraître Bruce Hicks dans la publication de l'hiver
2001.
Il semble que, ne partageant
pas l'opinion de M. Hicks, j'aie également réussi à décevoir M. Jones. C'est
malheureux, mais il ne pouvait en être autrement. Mon article avait pour objet
fondamental de contester les arguments de M. Hicks, qui défendait
l'introduction du bâton du président d'après ce qu'il comprend de la tradition
parlementaire britannique. Ce n'est pas moi qui ai fixé les paramètres du
débat, mais bien M. Hicks. À mon avis, ses arguments ne sont pas convaincants
et c'est ce que mon article essaie de prouver.
M. Jones se désole un peu que
je n'aie pas saisi l'occasion d'apprécier l'imagerie et le symbolisme qui
sous-tendent la création du bâton. À ce qu'il dit, Jeanne Sauvé, la première
présidente de la Chambre des communes, par la suite devenue la première
gouverneure générale, a établi une autorité héraldique toute canadienne,
laquelle a alors conçu un bâton comme symbole de la charge de président à
utiliser dans les armoiries de John Fraser, le premier à avoir été élu à ce poste
par vote secret. En quittant la présidence, M. Fraser a fait don d'un vrai
bâton à l'intention de ses successeurs. Quels que soient les mérites de cette
suite d'événements, son prétendu « symbolisme » n'a guère de
pertinence. Ce qui est plus important, et de loin, c'est le bâton lui-même en
tant que symbole de la charge de président, et M. Hicks l'a bien vu. Je
conteste toutefois l'invention d'une chose qui ne convient pas à la nature de
la fonction de président quelle que soit la source – britannique ou canadienne.
M. Jones accepterait-il aussi
facilement une épée ou un bâton de hockey? Probablement pas. Pour être
efficace, un symbole doit avoir un lien ou un rapport significatif avec le
poste ou la personne qu'il identifie, et c'est pourquoi je ne crois pas que le
bâton soit le meilleur choix. Il n'a aucune pertinence par rapport au rôle ou à
la charge du président. La masse, par contre, a un rapport avec le Parlement et
avec la présidence, comme je l'ai fait valoir dans mon article. Et j'ai deux
exemples qui le prouvent, dont l'un a trait à Mme Sauvé.
Lorsque Roland Michener est
devenu le troisième gouverneur général né au Canada, il a obtenu, selon la
pratique établie, ses armoiries personnelles. Du fait qu'il avait été président
de la Chambre des communes à l'époque Diefenbaker, son cimier comprenait un
lion de profil tenant, non pas un bâton, mais une masse entre les deux pattes.
Mme Sauvé a elle aussi eu des armoiries. En fait, deux versions ont été conçues
pour elle. La première, comme pour Roland Michener, a été dessinée par le
College of Heralds à Londres, mais la seconde est attribuable à l'Autorité
héraldique du Canada. Dans les deux cas, on retrouve la masse traditionnelle
sur l'écu, plutôt que dans le cimier, soulignant le fait qu'elle aussi avait
été présidente de la Chambre des communes durant sa carrière publique.
Il est malheureux que
l'exemple de Roland Michener et de Jeanne Sauvé n'ait pas été suivi lorsque
l'Autorité héraldique du Canada a décidé de concevoir les armoiries de John
Fraser. Cette déviation par rapport à deux précédents canadiens qui auraient dû
servir de guides était inutile et injustifiée. Qu'un vrai bâton ait été
confectionné sur l'ordre de M. Fraser, bien que M. Hicks insiste pour dire
qu'il s'agit d'un cadeau de la Reine, était à tout le moins un geste malvenu.
Mais que son utilisation possible puisse rivaliser en importance avec la masse
rend tout simplement le bâton absurde.
Charles Robert
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