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Dimitry Anastakis

The Global Promise of Federalism, publié sous la direction de Grace Skogstad, David Cameron, Martin Papillon et Keith Banting, University of Toronto Press, Toronto, 2013, 312 p.

Bien que son titre ne l’indique pas, The Global Promise of Federalism est un Festschrift bien mérité pour le politologue Richard Simeon, expert éminent des fédéralismes canadien et autres. Simeon, dont la carrière a coïncidé avec le grand défi posé au fédéralisme canadien par les pulsions nationalistes et séparatistes du Québec, la montée en puissance de l’Ouest nouveau, et les méga-crises constitutionnelles des années 1970 jusqu’au début des années 1990 qui ont débouché sur la Charte, le rapatriement et les échecs des accords du lac Meech et de Charlottetown, a été un observateur attentif, un héraut et un critique du fédéralisme pendant près de 50 ans.

De fait, durant cette période et à une époque où l’étude du Canada semblait avoir des implications existentielles, Simeon a produit de son perchoir de Queen’s puis de l’Université de Toronto un flux soutenu d’ouvrages importants et originaux, dont la célèbre série d’études pour la Commission royale McDonald de 1985. Il a aussi joué un rôle clé dans le « tournant comparatif » de la science politique canadienne qui a débuté dans les années 1990, lorsque les études de cette discipline ont pris une approche beaucoup plus expansive et plus globale quant à leur méthodologie et leur focalisation.

En tant que collection d’études sur le fédéralisme, cet ouvrage représente une contribution utile et pratique. L’introduction est un aperçu réfléchi de certains des problèmes clés qui ont formé la réflexion de Simeon et caractérisé ce champ d’études ces dernières années : le débat « de l’œuf et de la poule sur les valeurs sociétales par opposition aux institutions fondatrices comme déterminant clé de la création d’une fédération; la question de l’importance de la démocratie et de la confiance au sein d’une société pour savoir si le fédéralisme peut ou non s’y enraciner avec succès; et, bien sûr, la capacité du fédéralisme à évoluer dans le temps.

Bon nombre de ces thèmes sont repris et développés dans les 10 chapitres de la collection, qui sont tous très bons. Les sujets touchent un large éventail de domaines et de questions, allant du fédéralisme et de la démocratie, de la théologie et de l’identité, jusqu’aux cas particuliers de Chypre, de l’Espagne et du fédéralisme comparé CanadaAustralie. L’un des points saillants de l’ouvrage est l’argument vigoureux d’Alain Noël sur l’importance de la politique, de l’idéologie, des identités et des relations majorité/minorité à l’intérieur d’une fédération. Nous avons ici un rappel percutant du fait qu’il faut « éintégrer au » des études de l’État et du fédéralisme la politique souvent embrouillée du lieu considéré, et que les mécanismes sans effusion de sang du fédéralisme sont souvent modelés par les gens. En prenant l’exemple Québec-Canada, le chapitre de Noël agit comme un rappel fort utile des limites du fédéralisme.

La perspective globale de cette collection fait écho non seulement à l’évolution académique de Simeon mais aussi à celle de la discipline canadienne dans son ensemble, et elle témoigne du rôle que les universitaires et praticiens canadiens du fédéralisme, comme Simeon lui-même, ont joué dans les débats internationaux et dans l’évolution de diverses fédérations dans le monde. Ce changement de point focal est également présent quand on interprète cette collection comme un Festschrift; un addendum très intéressant de Simeon lui-même, « Reflections on a Federalist Life », personnalise l’évolution de sa réflexion à mesure que sa pensée a changé (tout comme certaines de ses opinions politiques), et c’est à la fois provocateur et éclairant. Ses commentaires sur « l’engagement public » et son rôle dans l’Accord du lac Meech rappellent au lecteur que le penseur peut aussi être homme d’action. Les anecdotes, les histoires et, oui, même les limericks contenus dans cet addendum révèlent quelqu’un qui a de l’humour et qui peut s’engager, et il est facile de voir pourquoi tant d’universitaires — du Canada et de l’étranger — ont tenu à participer à cet hommage.

Alors que tant de disciplines, autant des sciences sociales que des sciences humaines, se sont éloignées de l’étude du Canada (mais pas de l’argent fourni par le contribuable canadien), des questions plus profondes sur les conséquences qu’aura sur les politiques publiques le fait de ne plus se concentrer seulement sur le Canada méritent d’être posées. La question plus générale que pose un tel ouvrage est celle-ci : Et on fait quoi maintenant? Les questions touchant le fédéralisme canadien continueront d’occuper une place centrale dans l’évolution de cet État-nation mais, avec le départ à la retraite d’un si grand nombre de géants des sciences politiques canadiennes (avec Simeon, les noms de Peter Russell et d’Alan Cairns viennent à l’esprit), la discipline est-elle à la hauteur de la tâche d’explorer non seulement la promesse globale du fédéralisme mais son évolution ici même, chez nous? Cette collection, dont les essayistes et les rédacteurs en chef relèvent avec brio le défi, permet de penser que la discipline, et l’étude du fédéralisme ;— sous toutes ses formes et dans ses lieux — sont effectivement entre bonnes mains.

Dimitry Anastakis
Professeur (Histoire), Université Trent


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 37 no 3
2014






Dernière mise à jour : 2020-09-14