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Le bicaméralisme en Afrique du Sud
L'hon. Nomaindiya Mfeketo, députée

Durant la transition de l’après-apartheid, l’Afrique du Sud a complètement refondu sa constitution et ses institutions politiques. Dans le présent article, l’auteure le fonctionnement du bicaméralisme dans ce pays.

Les parlements sud-africain et canadien sont tous deux bicaméraux. Cependant, je dois m’empresser de souligner que le régime bicaméral sud-africain s’inscrit dans un système de gouvernement unitaire, alors que son équivalent canadien évolue au sein d’un système d’État fédéral où les provinces sont considérées comme étant autonomes. Cela diffère de notre système, où les assemblées législatives provinciales emboîtent le pas au Parlement national par un mode de gouvernance coopérative.

Quand on pense au concept de bicaméralisme, il importe sans doute de souligner que l’origine des institutions qui font partie d’un système bicaméral remonte à l’époque médiévale, où les rois avaient coutume de consulter des membres dignes de confiance et respectés des différentes couches de la société. Le parlement a été créé pour remplir cette fonction pratique. La structure bicamérale a été adoptée parce que diverses formes de consultation auprès de différentes couches de la société étaient jugées plus appropriées.

Je me souviens de la situation particulière qui prévalait en Afrique du Sud lorsque nous devions déterminer la façon d’établir un corps législatif répondant aux besoins du pays. Durant les négociations du Congrès pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), non seulement nous avons adopté une constitution provisoire, mais encore nous avons décidé qu’un régime bicaméral répondrait mieux aux besoins du pays. Un parlement bicaméral a donc été institué en remplacement du système tricaméral alors existant, dont les trois composantes étaient séparées selon des critères raciaux et ethniques. Ce système tricaméral se composait d’une chambre d’assemblée pour les Blancs, d’une chambre des représentants pour les métis et d’une chambre des délégués pour les Indiens asiatiques. Ce système marginalisait en fait le peuple africain, puisque les affaires de ce dernier étaient désignées comme relevant des bantoustans. Afin de renforcer la démocratie et de susciter la participation publique, il était impératif pour le Parlement de la République d’Afrique du Sud d’établir un système fondé sur un conseil national des provinces plutôt que sur un sénat ou une deuxième chambre. Grâce à cet arrangement, le processus de participation publique par les processus législatifs a été amélioré et les provinces sont mieux placées pour atteindre le public.

J’attire également l’attention sur le mandat de notre parlement qui constitue le fondement sur lequel est établi notre régime démocratique. Le mandat du Parlement de l’Afrique du Sud repose sur le principe qu’un parlement démocratique doit être transparent et répondre aux besoins de la population. Le Parlement fonde aussi son existence sur la nécessité de concevoir et de mettre en œuvre un programme législatif qui vise à accélérer la transformation de la société sud-africaine. Tels ont été la politique et l’objectif stratégique primordiaux du Parlement depuis 1994.

En vertu des paragraphes 42(3) et 42(4) du chapitre 4 de la Constitution, le rôle et l’objectif principal du Parlement consistent à représenter le peuple et à assurer un gouvernement par le peuple aux termes de la Constitution aussi bien qu’à représenter les provinces au palier national de gouvernement.

Conformément au paragraphe 42(3) de la Constitution de la République de l’Afrique du Sud de 1996, les députés de l’Assemblée nationale sont élus pour représenter le peuple en vertu de la Constitution et assurer le gouvernement par le peuple en aux termes de celle-ci. Elle le fait en élisant le président, en fournissant une tribune nationale pour l’étude publique des enjeux, en adoptant les lois et en examinant et en supervisant l’action du pouvoir exécutif. L’Assemblée nationale est également tenue de prévoir des mécanismes pour veiller à ce que tous les organes du pouvoir exécutif au niveau du gouvernement national lui rendent des comptes.

Conformément au paragraphe 42(4) de la Constitution, le Conseil national des provinces (CNP) représente ces dernières pour veiller à ce qu’il soit tenu compte des intérêts provinciaux au palier national de gouvernement. Il se compose de 52 membres qui sont nommés par les assemblées provinciales pour représenter les intérêts des provinces. Le CNP participe au processus législatif national en fournissant une tribune nationale pour l’examen public des enjeux touchant les provinces. En outre, le rôle du CNP comprend la surveillance des aspects nationaux des gouvernements provinciaux et locaux. L’article 100 de la Constitution prévoit que le Conseil national des provinces exerce la surveillance dans les cas où le pouvoir exécutif national intervient dans une province qui est incapable de remplir ses obligations exécutives.

La relation institutionnelle entre les deux chambres peut se faire par le processus législatif, en ce sens que tout projet de loi qui a été débattu et adopté par l’Assemblée nationale doit être renvoyé au Conseil national des provinces pour toutes les questions susceptibles d’avoir des répercussions sur les provinces, avant que l’Assemblée nationale puisse l’adopter. En matière de projets de loi nationaux, le Parlement a créé la notion de mécanisme d’identification pour déterminer si les projets de loi relèvent de la compétence nationale, provinciale ou locale.

La Constitution établit une distinction entre les projets de loi visés par l’article 75, qui relèvent de la compétence nationale, et les projets de loi visés par l’article 76, qui relèvent de la compétence provinciale ou locale. Les mesures qui concernent des modifications constitutionnelles et les projets de loi de finances ressortissent à la compétence de l’Assemblée nationale, comme le prévoient les articles 74 et 77 de la Constitution, respectivement. Tous les projets de loi présentés à l’Assemblée nationale sont renvoyés au Conseil national des provinces pour qu’il les adopte et vice versa.

Ce processus législatif englobe aussi la ratification des accords internationaux, pour lesquels la Constitution stipule clairement que tout accord international devient exécutoire seulement après avoir été approuvé par résolution tant à l’Assemblée nationale qu’au Conseil national des provinces (paragraphe 231(2)).

L’Assemblée nationale se compose de 400 députés, élus directement selon le mode de représentation proportionnelle. La Constitution prévoit, par ailleurs, que les députés doivent se représenter tous les cinq ans après avoir été élus. Avant le scrutin, les parties dressent des listes électorales de candidats. Les électeurs votent en faveur du parti de leur choix et les partis remportent des sièges à l’Assemblée strictement en fonction des voix qu’ils ont obtenues.

Les élections au CNP sont indirectes. Les électeurs élisent les députés de leur assemblée législative provinciale, laquelle désigne une délégation de dix membres au CNP. Ainsi, les neuf provinces de l’Afrique du Sud ont le même nombre de représentants, quelle que soit leur population. Chaque délégation provinciale se compose de six délégués permanents, qui sont nommés pour un mandat qui dure jusqu’à l’élection d’une nouvelle assemblée provinciale, et de quatre délégués spéciaux. Un des délégués spéciaux est le premier ministre de la province ou un autre député de l’assemblée provinciale désigné par le premier ministre, les trois autres délégués spéciaux étant nommés par l’assemblée provinciale. La représentation des partis au sein de la délégation doit être proportionnelle à leur représentation au sein de l’assemblée provinciale, selon une formule prévue dans la Constitution.

Le problème, c’est qu’il arrive qu’une chambre soit tentée d’outrepasser son mandat constitutionnel de telle sorte que le système semblerait insoutenable parce qu’une chambre aurait assumé des responsabilités dépassant sa capacité. D’aucuns pourraient faire valoir que les rôles et les axes de responsabilité énoncés dans la Constitution doivent être sans cesse clarifiés.

Les femmes en politique

Je voudrais parler de certains des succès remportés par notre parlement relativement aux femmes et aux questions d’égalité entre les sexes. Il y a eu, dans des secteurs politiques importants du pays, un petit succès dont nous nous enorgueillissons comme pays. Il s’agit bien sûr de la parité des sexes adoptée par le parti dirigeant dans des secteurs politiques majeurs. La ministre des Femmes, des Enfants et des Personnes handicapées a présenté un projet de loi obligeant les secteurs public et privé à adopter la parité des sexes. Nous célébrons l’élection de notre ex-ministre de l’Intérieur, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, à la présidence de la Commission de l’Union africaine. Nous espérons qu’elle obtiendra votre appui dans ses entreprises visant à faire avancer la cause de l’Afrique et des femmes du continent.

En 2014, le gouvernement sud-africain célébrera 20 ans de démocratie. Cela devrait nous donner l’occasion d’examiner nos cadres légaux, de réfléchir aux progrès réalisés par nos institutions servant à protéger la démocratie. Nous devrions profiter de cette réflexion pour déterminer si nous sommes sur la bonne voie en ce qui concerne les systèmes que nous avons créés au Parlement, les systèmes de gouvernance, les systèmes électoraux ainsi que toute la question de l’existence de trois ordres de gouvernement. Durant cet examen, nous devrions aussi nous pencher sur les changements qui sont nécessaires pour que le pays connaisse du succès, ainsi que sur les questions liées à la réduction des provinces. Il nous incombe peut-être aussi de débattre de nouveau de la question de savoir s’il convient d’avoir un président du Parlement qui serait responsable des deux chambres et du secteur législatif du pays en général. Cela sera fait bien sûr dans le but de renforcer notre système bicaméral. En nous engageant sur cette voie de la transformation, nous tirerons aussi des enseignements des pratiques exemplaires des autres parlements du Commonwealth. Nous le ferons tout en étant conscients que, durant le renforcement de nos systèmes démocratiques, nous ferons des erreurs. Il se peut que nous puissions établir une distinction quant à ce que nous ne devrions pas faire, mais il se peut aussi que nous ne sachions pas toujours ce qu’il faut faire pour corriger la situation.

Conclusion

En guise de conclusion, je voudrais vous faire part de l’une des célèbres déclarations prononcées par notre camarade le président Mandela durant sa défense au procès de Rivonia en 1964, déclaration qu’il a répétée à sa libération de prison en 1990. Ces mots sont gravés dans le subconscient de la majorité des Sud-Africains et leur servent toujours d’inspiration. Dans cette déclaration, le président Mandela a dit :

« J’ai combattu la domination blanche et j’ai combattu la domination noire. J’ai embrassé l’idéal d’une société libre et démocratique au sein de laquelle tous vivront ensemble dans l’harmonie et jouiront de chances égales. C’est un idéal pour lequel je souhaite vivre et que je veux voir se réaliser. Mais s’il le faut, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à donner ma vie. »

Quand on pense aux événements marquants qui se sont produits au moment de la libération de Nelson Mandela, nous ne pouvons, avec le recul, qu’être impressionnés par l’énormité des défis que nous avons dû relever ainsi que par le sens politique, le courage et la droiture morale de Mandela, qualités qui nous ont permis de réussir notre transition malgré toutes les inconnues et toutes les turbulences.


Canadian Parliamentary Review Cover
Vol 35 no 4
2012






Dernière mise à jour : 2020-09-14