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Howard Cody
Sous l'impulsion du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et du
Québec, plusieurs provinces envisagent de passer d'un scrutin majoritaire
uninominal (SMU) à un système proportionnel à députation mixte (PDM). Avec,
en arrière-plan, l'expérience acquise par la Nouvelle-Zélande au cours
des neuf années d'application de la PDM dans son parlement de style britannique,
le présent article examine les nombreux visages que ce système pourrait
prendre au Canada. L'auteur se penche ensuite sur la transition à la PDM
effectuée en Nouvelle-Zélande pour déterminer jusqu'à quel point ce système
pourrait permettre de combler les attentes de ses partisans dans les provinces
canadiennes et à la Chambre des communes.
Il se peut que la réforme électorale soit sur sa lancée dans plusieurs
provinces. Peu de Canadiens connaissent vraiment d'autres systèmes électoraux
que le scrutin majoritaire uninominal à un tour (SMU). Toutefois, mis à
part le nouveau système donquichottesque caressé par la Colombie-Britannique,
les Canadiens pourraient bientôt devoir se pencher sur plusieurs systèmes
de représentation proportionnelle (RP). En effet, trois provinces le
Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et le Québec (et peut-être même
l'Ontario) envisagent une variante de la proportionnelle à députation
mixte (PDM), où certains députés sont élus dans des circonscriptions individuelles
tandis que d'autres sont désignés à partir de listes établies par les partis.
Nous allons donc examiner la situation dans ces trois provinces à la lumière
de l'expérience vécue par la Nouvelle-Zélande au cours des neuf dernières
années, soit depuis l'adoption d'un système électoral fondé sur une variante
de la PDM et inspiré d'un modèle qui a fait ses preuves en Allemagne depuis
un demi-siècle.
Facteurs à prendre en compte lors de la conception d'un système fondé sur
la PDM
Le premier facteur à considérer est celui de la légitimité démocratique.
Comment les provinces se proposent-elles, à titre individuel, de concevoir
et de mettre en uvre leur nouveau système électoral? Ont elles l'intention
de tenir des consultations publiques et un référendum pour donner au nouveau
système toute la légitimité voulue afin de survivre aux premières crises?
L'expérience récente en Colombie- Britannique montre comment un seuil fixé
à la supermajorité peut rendre plus difficile l'adoption d'une réforme
électorale lors d'un référendum.
La Nouvelle-Zélande avait établi une commission royale qui avait proposé
la PDM. Puis, on a tenu deux référendums, le deuxième se révélant un second
tour pour choisir à la majorité simple entre la PDM et le SMU. La PDM a
été choisie par 54 p. 100 des gens et est entrée en vigueur en 1996. Pour
leur part, le Nouveau-Brunswick et l'Île du Prince Édouard ont eu recours
à des commissions indépendantes pour formuler des propositions après une
consultation limitée du public. L'Î.-P.-É. en est rendue à une deuxième
commission qui a été chargée de mener une campagne d'information publique
et d'établir les détails de la PDM. Au Québec, le ministre responsable
de la réforme des institutions démocratiques a présenté son plan dans un
projet de loi soumis à l'Assemblée nationale. Le Nouveau-Brunswick et l'Î.-P.-É.
se sont engagés à tenir des référendums, probablement à la majorité simple,
sur un projet précis. Ces deux provinces n'ont pas précisé si elles exigeraient
un appui supérieur à 50 p. 100 pour mettre en uvre la PDM. Au Québec, aucun
référendum n'a été promis, mais un comité législatif tiendra des consultations
sur la proposition gouvernementale.
Un second facteur à prendre en considération relativement aux projets de
PDM concerne la répartition des sièges entre les députés élus dans les
circonscriptions et les députés désignés à partir des listes. Combien de
sièges seront réservés à ces deux types de députés et comment seront ils
répartis dans la province?
La Nouvelle-Zélande a recours à une circonscription unique pour les députés
désignés à partir des listes. À l'heure actuelle, 69 députés sont élus
dans les circonscriptions, et 51 à partir des listes. Comme au Canada,
le nombre de circonscriptions augmente régulièrement afin de tenir compte
des changements démographiques. Le total demeure à 120. Le Nouveau- Brunswick
propose 36 députés de circonscription qui seraient complétés par 20 députés
de liste, et la formation de quatre régions, ce qui donnerait neuf députés
de circonscription et cinq députés de liste par région. La première commission
établie par l'Î.-P.-É. recommandait 21 députés de circonscription et 10
députés de liste, ces derniers étant, de préférence, choisis à partir de
listes uniques établies pour l'ensemble de la province. Le Québec propose
75 circonscriptions et 50 députés de listes, et peut-être 27 régions. La
plupart des régions éliraient directement trois députés de circonscription
et indirectement deux députés à partir des listes.
Une autre question concerne la sélection des candidats figurant sur les
listes des partis à partir de listes ouvertes ou fermées. Les électeurs
pourront ils choisir les candidats figurant sur les listes des partis à
l'occasion d'élections primaires? Lors des élections, pourront ils choisir
entre les divers candidats figurant sur la liste du parti, ou devront ils
accepter l'ordre où ces candidats apparaissent sur le bulletin? La Nouvelle-Zélande
a opté pour des listes fermées établies par des comités formés par les
partis. Il n'y a aucune élection primaire. Les trois provinces privilégient
cette solution aussi.
Il faut aussi examiner la question du pourcentage minimal des voix requis
de chaque parti pour obtenir des sièges proportionnels. En Nouvelle-Zélande,
on accorde des députés aux partis qui ont recueilli 5 p. 100 des voix ou
qui ont fait élire un député de circonscription dans l'ensemble du pays.
Le Nouveau-Brunswick propose un minimum de 6 p. 100 des voix de chaque région
de même qu'un minimum de 5 p. 100 pour l'ensemble de la province pour avoir
droit à un député de liste. L'Î.-P.-É. pourrait imposer un seuil de 7 p. 100.
Au Québec, le seuil établi pour chaque région pourrait atteindre 15 p. 100.
Combien de bulletins de vote remet-on aux électeurs? Deux, soit un pour
le député de la circonscription et un pour le scrutin de liste, ou un seul,
pour le député? La Nouvelle-Zélande a opté pour un scrutin à deux votes.
Le Nouveau-Brunswick et l'Î.-P.-É. proposent également ces deux votes.
Le Québec n'envisage qu'un seul vote.
Les candidats pourront ils se présenter à la fois dans une circonscription
et dans la liste de leur parti? La Nouvelle-Zélande le permet, le Nouveau-Brunswick
s'y oppose, le Québec est en faveur et l'Î.-P.-É. n'a pas encore décidé.
La répartition des sièges de la RP visera elle à corriger les déficiences
observées concernant la représentation des voix exprimées dans les circonscriptions,
ou attribuera t on ces sièges de listes de façon strictement proportionnelle?
La Nouvelle-Zélande a opté pour une PDM avec correction. Toutes les formules
retenues par les provinces visent également à corriger la sur ou sous-représentation
des partis dans les sièges gagnés dans les circonscriptions.
Dans quelle mesure ces modèles permettent ils d'atteindre une proportionnalité
complète pour chacun des partis? La Nouvelle-Zélande, avec un écart très
faible de 69/51 entre le nombre de députés de circonscription et le nombre
de députés de liste, obtient une proportionnalité assez élevée. Les projets
du Nouveau-Brunswick et, en particulier, du Québec entraînent une sous
représentation des petits partis en raison du pourcentage élevé des voix
qui est exigé et du petit nombre de députés de liste que compte chaque
région. L'Î.-P.-É. pourrait obtenir la plus forte proportionnalité avec
une seule circonscription pour la proportionnelle.
Les mythes et les réalités de la proportionnelle à députation mixte (PDM)
Les partisans de la représentation proportionnelle font certaines allégations
concernant le système actuel et la façon dont fonctionnerait la RP. Comme
les promoteurs de cette formule la privilégient pour le Parlement comme
pour les assemblées législatives provinciales et qu'ils souhaitent la mettre
en uvre dans les provinces en partie pour favoriser son adoption à Ottawa,
nous traiterons à la fois de la scène politique fédérale et provinciale1.
Voici donc une comparaison des allégations des partisans de la RP et de
la situation actuelle en Nouvelle-Zélande, qui est déjà passée d'un SMU
à une PDM dans un parlement de type britannique.
Allégation : Les systèmes électoraux à scrutin majoritaire et les gouvernements
majoritaires ne permettent pas de traiter équitablement les partis et restreignent
l'exercice du pouvoir. Tous les partis méritent une représentation parlementaire
correspondant le plus près possible à l'appui qu'ils ont reçu de la population
dans chaque région. Les SMU entraînent des distorsions injustes dans la
représentation des partis dans les régions. En déséquilibrant les caucus
des partis, les SMU font en sorte qu'il est difficile et parfois impossible
aux gouvernements de constituer des cabinets représentatifs des régions2.
De plus, de solides freins et contrepoids à l'exécutif sont nécessaires
pour imposer la reddition de comptes, garantir la transparence et éviter
les gouvernements arbitraires et corrompus. Les premiers ministres du Canada
bénéficient de pouvoirs beaucoup trop étendus. Ils peuvent donc, en compagnie
« de courtisans minutieusement choisis », marginaliser les députés et même
les ministres3. Les premiers ministres des provinces fonctionnent de la
même façon. La RP limitera les pouvoirs des premiers ministres en les forçant
à les partager avec leurs cabinets, leurs caucus et au moins un parti de
moindre importance.
En Nouvelle-Zélande, le seuil de 5 p. 100 ou d'au moins une circonscription
entraîne la présence d'environ sept partis lors de chaque législature.
Aucun n'est près de former une majorité. Même là, le public et les médias
continuent à s'intéresser surtout au premier ministre. En effet, étant
donné que le deuxième vote de la PDM porte sur des listes de partis la
plupart du temps anonymes, son issue dépend des impressions que les chefs
de parti font sur les électeurs et tous les partis privilégient donc la
solidarité « avec le chef ». De plus, les premiers ministres et leur cabinets
minoritaires ou de coalition obtiennent toujours essentiellement ce qu'ils
veulent. Il leur faut seulement être plus patients pour faire adopter leurs
lois par le Parlement. Le régionalisme ne constitue pas encore une préoccupation
sérieuse en Nouvelle-Zélande.
Allégation : Les gouvernements minoritaires et de coalition fonctionnent
mieux et favorisent une reddition de comptes et une transparence parlementaires
plus grandes que les gouvernements majoritaires et unipartites. La RP n'entraîne
pas nécessairement la formation de coalitions instables ou des élections
plus fréquentes, pas plus qu'elle n'empêche les gouvernements minoritaires
ou de coalition de poser des gestes décisifs. De plus, l'absence d'une
majorité unipartite favorise une évolution de la culture du Parlement qui
persuade les gouvernements de remplacer les affrontements par la collégialité
et le consensus entre les partis en vue de l'élaboration des diverses politiques4.
Les simples députés ne peuvent imposer la reddition de comptes que lorsqu'on
ne peut pas compter sur un parti majoritaire5. L'absence de toute majorité
permet aux comités parlementaires de fonctionner de manière collégiale
et de participer à l'élaboration des politiques. Le fait que la population
soit bien informée de la tenue de négociations semi-publiques entre les
partis favorise la transparence.
La Nouvelle-Zélande n'a jamais tenu d'élections hâtives depuis l'adoption
de la PDM. La solidarité avec le parti et la partisanerie, qui sont typiques
des systèmes britanniques, demeurent inchangées. La culture politique,
notamment la bipolarité observée dans la couverture médiatique et dans
les attentes de la population, n'a pas changé non plus. Mis à part les
coalitions, on n'observe aucun signe de collégialité interpartis de style
allemand ou scandinave. Le premier ministre et son parti ont dominé les
coalitions qui ont pris en otage les petits partis. Lorsque les partenaires
de moindre importance de la coalition s'opposent aux politiques du partenaire
principal, ils risquent d'être blâmés parce qu'ils créent de l'instabilité
ou déclenchent une élection surprise. S'ils adoptent un ton conciliant,
ils semblent inutiles et superflus. Par conséquent, les petits partis choisissent
dorénavant de conserver leur identité et de ne pas former de coalitions
où ils seraient récupérés. La première ministre Helen Clark gère son gouvernement
minoritaire en négociant avec les petits partis sur chaque dossier. Même
là, si le grand parti accède aux demandes d'un petit parti, les médias
et l'opposition s'attaquent aux deux comme ils le font au Canada6. Tous
les petits partis risquent donc d'être récupérés et marginalisés lorsque
de grands partis s'approprient leurs politiques les plus populaires et
en prennent le crédit. Certains Néo-Zélandais s'objectent à ce que le parti
formant l'opposition officielle soit continuellement exclu de l'élaboration
des politiques alors que les petits partis sont mis à contribution. En
l'absence d'un parti majoritaire, les comités parlementaires fonctionnent
de façon plus collégiale. Ils influent souvent sur les mesures législatives
en proposant des amendements de fond et, parfois, ils jouent presque le
rôle d'une chambre de « second examen » qui serait élue. Ils offrent également
une tribune pour des négociations ouvertes entre les partis.
Allégation : Les gouvernements minoritaires et de coalition sont plus enclins
à se montrer sensibles aux désirs de la population et à lui rendre des
comptes. Ces gouvernements respectent la volonté du peuple davantage que
les majorités. C'est la situation idéale, puisque les responsables des
orientations politiques devraient respecter l'opinion de la population
continuellement et non seulement à l'approche des élections.
En Nouvelle-Zélande, les gouvernements peuvent toujours réaliser leurs
programmes sans risquer une élection hâtive. Le gouvernement travailliste
de Mme Clark assume ainsi un rôle pivotant, au centre, qui lui confère
beaucoup de souplesse, puisqu'il peut se tourner vers la gauche et les
Verts ou encore vers la droite et le parti United Future pour obtenir les
voix nécessaires à l'adoption de ses projets de loi et se conformer à l'opinion
de la population. Mme Clark préfère cette approche à la formation d'une
coalition à deux partis qui l'obligerait à se déplacer plus loin sur sa
gauche, trop loin du milieu, la position souhaitable. Ce type de relation
semi permanente peut profiter aux travaillistes comme aux petits partis.
De plus, les médias et le public peuvent mieux surveiller les activités
de lobbying, qui sont désormais transparentes en Nouvelle-Zélande, maintenant
que plusieurs partis participent au processus d'élaboration des politiques.
Allégation : La RP encourage un taux plus élevé de participation aux élections
en convainquant les partisans de tous les partis que leur vote importe.
Les partis de gauche sont ceux qui profiteront le plus de cet accroissement
du taux de participation aux élections7. Les électeurs, qui peuvent voter
deux fois et ainsi « partager leur vote », sont davantage incités à aller
voter. La PDM peut contribuer à faire progresser un programme de réformes
qui réduit « l'écart d'efficacité » et le « déficit démocratique »8.
En Nouvelle-Zélande, le taux de participation a chuté aux dernières élections.
À 77 p. 100 en 2002, il demeure tout de même bien supérieur aux taux canadiens.
La RP a apparemment renforcé la position des partis de gauche, peut-être
parce qu'elle a convaincu les électeurs de cette tendance qu'ils pourraient
finalement jouer un rôle efficace9. Quelque 35 p. 100 des Néo-Zélandais partagent
leurs voix. Lors de la troisième élection à l'aide de la PDM, en 2002,
38 p. 100 ont accordé leur vote partisan le plus important à un petit parti.
Les Néo-Zélandais utilisent souvent leur vote dans la circonscription pour
choisir un gouvernement entre les deux partis principaux. Les deux cinquièmes
d'entre eux décident ensuite de leur propre coalition en choisissant un
petit parti pour influer sur leur grand parti préféré. Ils votent parfois
de manière stratégique pour un petit parti afin d'empêcher un autre petit
parti de participer à l'élaboration des politiques. Ainsi, si nous appliquions
la PDM aux résultats des dernières élections canadiennes, nous pourrions
prédire de manière inexacte la répartition des députés entre les divers
partis. L'expérience néo zélandaise montre qu'avec la PDM à deux voix et
avec correction, les deux principaux partis au Canada pourraient faire
élire moins de députés que la proportion des voix qu'ils ont obtenues dans
le passé ou qu'ils obtiendront à l'avenir le laisserait supposer10.
Allégation : La RP accroîtra la diversité des députés fédéraux et provinciaux
au Canada. Le système politique et le pays dans son ensemble bénéficieront
d'une meilleure représentation des minorités visibles (en croissance rapide
au Canada) et des femmes ainsi que d'une meilleure représentation des partis
dans les régions où ils ne peuvent gagner beaucoup de circonscriptions.
Il se peut que les députées se butent actuellement à un « plafond invisible »
avec le SMU; leur proportion, qui est de 21 p. 100, n'a pratiquement pas
changé en une décennie. De plus, la RP mettra un terme à l'atmosphère de
« club de vieux copains » qui règne dans les corps législatifs canadiens
et épargnera aux femmes le houleux processus d'investiture, qui décourage
nombre d'entre elles de se lancer en politique11. La présence d'un plus
grand nombre de femmes améliorera la conduite des affaires politiques au
Canada; soulignons, par exemple, l'absence manifeste des femmes dans le
scandale des commandites12. La RP mettrait en outre un terme à la polarisation
régionale trompeuse et nuisible qui sévit au Canada en permettant l'élection
de députés fédéraux et provinciaux qui témoigneraient de l'appui dont leurs
partis bénéficient dans toutes les régions et atténueraient l'aliénation
des régions en faisant participer celles ci à l'élaboration des politiques
d'une manière plus manifeste.
Les femmes et les minorités néo zélandaises sont mieux représentées et
jouent un rôle plus visible au Parlement que ce n'était le cas avec le
SMU, principalement parce que les partis s'efforcent de les placer dans
des positions enviables sur les listes. Ainsi, 28 p. 100 de femmes ont été
élues en Nouvelle-Zélande en 2002. Toutefois, rien n'indique que ce gouvernement
qui est dirigé par une première ministre aussi agressive que Margaret
Thatcher ou que ses homologues masculins néo zélandais fait la promotion
d'un programme plus féminin que ses prédécesseurs masculins élus à la suite
d'un SMU. Un député homosexuel a bien souligné que ses collègues féminines
l'acceptaient davantage (le trouvaient moins menaçant?) que ses collègues
masculins. Certains Néo-Zélandais croient également que les députés écoutent
et respectent davantage les femmes et les minorités lorsque celles-ci sont
davantage présentes au Parlement.
Allégation : Le public trouvera éventuellement aussi légitimes les députés
de circonscription que les députés de liste. La présence de députés de
liste qui n'ont pas à gagner une circonscription se révélera avantageuse
pour le gouvernement ainsi que la province ou le pays en permettant que
des gens qui sont meilleurs administrateurs que politiciens détiennent
des postes au Cabinet sans devoir s'occuper d'une circonscription13. De
plus, de nombreux députés fédéraux ou provinciaux désignés à partir de
ces listes pourraient ultérieurement favoriser et légitimer un modèle de
représentation non territoriale.
En Nouvelle-Zélande, les députés de liste continuent à être considérés
par la population comme des députés « de seconde classe » qui ne sont pas
tout à fait légitimes sur le plan démocratique parce qu'ils ne rendent
des comptes qu'aux chefs de partis et non à la population. Les députés
de circonscription les considèrent de plus en plus comme leurs égaux, comme
c'est le cas en Allemagne depuis des décennies. Les députés de liste néo-zélandais
qui s'étaient également présentés dans une circonscription, mais sans succès,
sont particulièrement méprisés. De nombreux citoyens continuent à être
indignés de leur présence au Parlement et encore plus au Cabinet. Pourtant,
des députés de liste respectés occupent des postes importants au Cabinet,
notamment le ministre des Finances, Michael Cullen. Les députés de liste
doivent pouvoir compter sur le respect de la population et une certaine
légitimité représentative, étant donné, en particulier, que les députés
féminins, minoritaires et des petits partis de la Nouvelle Zélande proviennent
de manière disproportionnée des listes des partis. Ces partis n'ont pas
encore trouvé de responsabilités particulières à confier aux députés de
liste de manière à accroître leur légitimité. Beaucoup d'entre eux travaillent
à des dossiers de circonscription, souvent dans les circonscriptions que
leur parti juge gagnables aux prochaines élections. D'autres fournissent
des services à leur propre minorité ethnique. Certains Néo-Zélandais espèrent
et d'autres craignent - que la PDM facilite la venue d'une culture où
tous les députés, influencés par ceux qui ont été élus à partir des listes
des partis, considéreront que la représentation peut être non territoriale
comme territoriale. Ainsi, les députés féminins, homosexuels et des minorités
ethniques pourraient représenter ces groupes précis et défendre leurs intérêts
tout en servant également les électeurs habituels des circonscriptions.
Conclusion
Selon les premières expériences en Nouvelle-Zélande, l'adoption d'un système
de PDM similaire ne révolutionnerait pas la politique au Canada, du moins
à court terme. Il est probable que la culture de confrontation propre à
la politique canadienne pourra survivre à toute réforme électorale. Il
est difficile de prédire l'impact global et les répercussions à long terme
de la PDM, mais ils peuvent différer de ce que ses partisans et ses opposants
prédisent. Le Canada répéterait probablement l'expérience de la Nouvelle-Zélande
sous certains angles et se trouverait dans une situation différente sous
d'autres. L'adoption de la PDM dans certaines provinces, en particulier
si des versions différentes sont mises en uvre, pourrait clarifier toutes
ces questions et aider les Canadiens à décider si cette formule ou certains
aspects de celle ci se révéleraient avantageux sur la scène fédérale. On
peut raisonnablement s'attendre à ce que la RP suscite la création de nouveaux
partis, au moins au niveau fédéral, notamment un parti conservateur sur
le plan social et économique dans l'Ouest qui se situerait plus à droite
que les conservateurs et qui ferait, en quelque sorte, contrepoids aux
néo démocrates. Les écologistes feraient probablement élire des députés
fédéraux et provinciaux, ce qui les rendrait plus visibles et ferait connaître
davantage leurs causes. D'après l'expérience néo zélandaise, les libéraux
fédéraux, et peut-être aussi les conservateurs, pourraient jouer un rôle
pivotant, au centre, avec la PDM. De même, les députés des minorités visibles
et certains autres députés pourraient parvenir à redéfinir complètement
leurs responsabilités. L'élection d'un trop faible nombre de députés des
grands partis pourrait entraîner une certaine instabilité si un nombre
suffisant de Canadiens profitent de l'occasion que leur fournissent les
deux votes de la PDM avec correction pour établir la coalition de leur
choix. Toutefois, l'expérience vécue en Nouvelle-Zélande jusqu'à maintenant
montre que les Canadiens n'ont pas à craindre de conséquences terribles
du passage du scrutin majoritaire uninominal à la proportionnelle à députation
mixte.
Notes
1. Pour un bref exposé des avantages de la PDM par rapport au SMU sur la
scène fédérale et provinciale, voir « The case for PR: If it's broken, fix
it », The Globe and Mail, 2 mai 2005, p. A12 (éditorial). Pour connaître
le principal promoteur canadien de la RP, visiter le site Web du Mouvement
pour la représentation équitable au Canada, à l'adresse www.fairvotecanada.org.
2. Louis Massicotte, « Pour une réforme du système électoral canadien »,
Choix, vol. 7, nº 1 (février 2001), p. 3-4. Publié par l'Institut de recherche
en politiques publiques.
3. Donald Savoie, « The Rise of Court Government in Canada », Revue canadienne
de sciences politiques, XXXII, nº 4 (décembre 1999), p. 635-664.
4. Henry Milner, « The Case for Proportional Representation in Canada »,
dans Henry Milner (éd.), Making Every Vote Count: Reassessing Canada's
Electoral System, Peterborough, Broadview Press, 1999, p. 37-49.
5. Pour une analyse des nouvelles possibilités qu'offrait aux simples députés
l'élection d'un gouvernement minoritaire en 2004, voir J. Patrick Boyer,
« Les parlementaires peuvent ils devenir de véritables intervenants? », Revue
parlementaire canadienne, vol. 27, nº 3 (automne 2004), p. 4-8.
6. Soulignons la réaction quant le premier ministre Paul Martin et le chef
du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, sont parvenus à un accord au
printemps 2005. Leur entente constitue un exemple typique du résultat de
négociations menées par un gouvernement minoritaire pour former une coalition.
Voir, par exemple, « Paul Martin's wasted opportunity », The Globe and Mail,
30 avril 2005, p. A20 (éditorial).
7. Arend Lijphart cite des études transnationales établissant que l'adoption
de la RP augmente le taux de participation de 9 à 12 p. 100. Cet accroissement
du taux de participation avantage les partis de gauche, qui gagnent près
d'un tiers de point de pourcentage pour chaque point de pourcentage d'augmentation
du taux de participation. Arend Lijphart, « Unequal Participation: Democracy's
Unresolved Dilemma », American Political Science Review, vol. 91, nº 1 (mars
1997), p. 5-7.
8. Pour une vaste description d'un programme de réformes possible, voir
F. Leslie Seidle, « Expanding the federal democratic reform agenda », Options
politiques, vol. 25, nº 9 (octobre 2004), p. 48-53.
9. Jonathan Boston, « Institutional Change in a Small Democracy: New Zealand's
Experience of Electoral Reform ». Présenté au Groupe canadien d'étude des
questions parlementaires, Ottawa, 10 juin 2000, p. 16.
10. Ian Gray et James Gray ont réalisé deux exercices qui pourraient se
révéler trompeurs, puisqu'ils ont utilisé les derniers résultats dans les
circonscriptions pour démontrer les résultats que les divers partis canadiens
auraient obtenus avec la PDM, « La représentation proportionnelle : le modèle
écossais appliqué aux élections canadiennes de 2004 », Revue parlementaire
canadienne, vol. 27, nº 3 (automne 2004), p. 19-22; et « The case for PR
(4): What might have been », The Globe and Mail, 5 mai 2005, p. A20 (éditorial).
11. Carol Goar, « Political Culture Puts off Women », Toronto Star, 4 mai
2005.
12. Susan Delacourt, « Women Conspicuously Absent from Scandal », Toronto
Star, 14 avril 2005. Cet article figure également sur le site Web d'À voix
égales (www.equalvoice.ca), groupe militant en faveur de la RP.
13. Alors qu'il n'était que simple citoyen, Stephen Harper a proposé que
le Canada permette que des spécialistes qui ne sont pas des députés siègent
au Cabinet comme cela se fait aux États-Unis. Stephen Harper, « One Crucial
Flaw in Canadian Government is the Ineptitude of Federal Cabinets » Report
Newsmagazine, 28 mai 2001, p. 13.
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