PDF
La 50e
conférence de l’Association parlementaire du Commonwealth (APC) se
tiendra au Canada du 30 août au 9 septembre 2004. Le
président actuel du comité exécutif de l’APC est un
Canadien, Robert Speller. Le 25 novembre 2003, M. Speller s’est
prêté à une entrevue donnée par le directeur au
sujet de sa carrière politique et, plus précisément, de
son rôle à l’APC. Le 12 décembre 2003, M. Speller a
été assermenté ministre de l’Agriculture et de
l’Agroalimentaire.
Quel a été votre parcours avant d’être élu à
la Chambre des communes?
J’ai étudié les sciences politiques et fait des études canadiennes
à l’Université York. J’ai ensuite obtenu un stage
à l’Assemblée législative de l’Ontario dans le
cadre d’un programme parrainé par l’Association canadienne
de science politique et l’Assemblée législative. À
cette époque-là, je n’étais pas actif au Parti
libéral. Chacun des six stagiaires devait passer la moitié de
l’année avec un député du parti au pouvoir et un
député de l’opposition. Les cinq autres stagiaires
étaient des femmes et cherchaient toutes à travailler pour une
jeune députée dynamique de l’Assemblée
législative de l’Ontario, Sheila Copps. Le directeur du programme,
Graham White, a décidé de résoudre le problème en
m’affectant à Mme Copps, ce qui m’a permis de
rencontrer beaucoup de membres du Parti libéral et de travailler par la
suite à la campagne de Mme Copps. En 1986-1987, j’ai
beaucoup voyagé et je suis revenu à la maison quelques mois avant
l’élection fédérale de 1988. Les
progressistes-conservateurs étaient alors au pouvoir, et la personne qui
avait été élue dans ma ville natale avait remporté
les suffrages avec une vaste majorité en 1984. Il n’y avait donc
pas beaucoup de candidats à l’investiture libérale, mais,
après avoir été pressenti par quelques personnes,
j’ai décidé de proposer ma candidature. J’ai
remporté l’investiture haut la main et, à
l’élection générale, j’ai anéanti la
majorité de 18 000 voix et remporté le siège
avec une majorité de moins de 200 voix, même si le gouvernement
conservateur de Brian Mulroney a été facilement reporté au
pouvoir.
À votre arrivée à la Chambre des communes, la réalité
s’est-elle révélée différente de vos
attentes?
Pas vraiment. Mon
expérience de stagiaire à Queen’s Park m’avait
donné une très bonne idée de ce que le travail impliquait.
Être dans l’opposition, c’est plutôt facile et agréable.
On peut choisir les domaines qui nous intéressent et qui sont importants
pour nos électeurs. Dans mon cas, c’était
l’agriculture et le commerce international. Je n’avais pas de
difficulté à prendre la parole pendant la période des
questions ou à siéger aux comités qui
m’intéressaient. On acquiert une excellente formation dans
l’opposition, mais, évidemment, c’est devenu beaucoup mieux
une fois que je me suis retrouvé du côté du gouvernement
après l’élection de 1993.
Comment vous êtes-vous intéressé à l’Association
parlementaire du Commonwealth?
Les nouveaux députés sont informés de toutes les associations
parlementaires dont ils peuvent faire partie. Je suis allé aux
assemblées annuelles de la section canadienne de l’APC. J’ai
demandé à être délégué à
certaines conférences, mais je n’ai jamais été
choisi. La plupart des places étaient prises par des
députés conservateurs ou par des sénateurs ou des
députés libéraux chevronnés. Quand les
libéraux ont pris le pouvoir en 1993, j’ai décidé de
me présenter au poste de président de la section canadienne. Il y
avait plusieurs candidats, dont Beryl Gaffney, qui était membre depuis
plusieurs années. J’ai sollicité l’appui de tous les
parlementaires de tous les partis, tant ceux de la Chambre que du Sénat.
Après un vote au scrutin secret, je suis devenu président de la
section canadienne.
Quel est le rôle du président de la section canadienne?
Sa principale responsabilité est de diriger la délégation canadienne aux
conférences internationales de l’APC et aux conférences de
la région du Canada. Dans les dix dernières années,
j’ai manqué une seule conférence internationale, en
Australie, et j’ai participé à toutes les
conférences régionales, qui se déroulent dans les
différentes provinces à tour de rôle. Aux conférences
internationales et régionales, le président coordonne la
participation de la délégation fédérale.
Normalement, je cherchais des volontaires pour parler des thèmes
à l’étude; au besoin, je désignais des
délégués pour le faire. Comme les parlementaires
s’expriment en leur nom personnel, et non en tant que membres d’un
parti, ils n’ont pas à exposer la position du gouvernement
fédéral ou du Canada sur chaque thème. Dans les
conférences internationales, toutefois, les parlementaires savent que
leurs propos seront identifiés avec la position du Canada, et ils ont
tendance à en tenir compte lorsqu’ils font des commentaires.
Y a-t-il des conférences de l’APC ou des expériences qui vous ont
marqué?
Ma toute première conférence de l’APC a été la
conférence internationale de 1994, à Banff, dont le Canada
était l’hôte. En tant que président de la section
canadienne, j’ai fait connaissance avec des parlementaires
émérites du monde entier, ce qui a été une
expérience remarquable. La conférence a aussi été
mémorable sous un autre aspect : ma femme, qui était
enceinte, a dû être conduite d’urgence à
l’hôpital et nous avons pensé que notre fils naîtrait
à Banff, mais c’était une fausse alarme en fin de compte.
J’hésite à appeler l’attention sur d’autres
conférences, car elles sont toutes mémorables, et on tire des
enseignements de chacune d’elles. Je me souviens entre autres d’une
réunion en Afrique où j’ai fait la connaissance d’un
législateur du Zimbabwe qui m’a dit que sa ville n’arrivait
pas à recueillir les 12 000 $ nécessaires pour creuser
un nouveau puits qui alimenterait les habitants en eau potable. Je lui ai
parlé de certains programmes canadiens d’aide à
l’étranger et je l’ai aidé à se mettre en
rapport avec la bonne personne de l’Agence canadienne de développement
international (ACDI). Quelques mois plus tard, il m’a envoyé une
très gentille lettre pour me remercier de mon aide et m’informer
que la ville avait maintenant un nouveau puits grâce à mon
intervention. C’est un modeste exemple de ce qui peut être
accompli, mais il m’est revenu à l’esprit. Il y a aussi,
évidemment, beaucoup de discussions sur la façon dont les choses
se passent dans les parlements du monde entier, et il est utile de pouvoir
comparer nos usages avec ceux des autres.
Comment êtes-vous devenu président du comité exécutif de
l’APC?
Le titulaire de cette charge est élu. Tous les parlementaires présents à
l’assemblée annuelle, soit à peu près 300, ont le
droit de vote. En général, les candidats viennent de plusieurs
des huit régions de l’APC. En fait, je me suis
présenté deux fois au poste de président. La
première fois, en 1999, à Trinité-et-Tobago, j’ai
perdu en faveur d’un candidat africain par un très petit nombre de
voix. J’ai tenté ma chance à nouveau à la
conférence tenue en Namibie en 2002, et j’ai été
élu. La façon de procéder est semblable à celle
d’une assemblée d’investiture. Les candidats font un
discours officiel et essaient de rencontrer et de convaincre le plus grand
nombre possible de délégués qui ont le droit de vote. Dans
mon discours, j’ai dit qu’il fallait rendre l’Association
plus transparente, communiquer davantage avec les sections locales, appuyer les
femmes parlementaires du Commonwealth et s’allier avec d’autres
associations internationales qui s’intéressent aux échanges
commerciaux et à d’autres questions importantes pour nos membres.
Comme je faisais partie de l’Association depuis des années, je
connaissais personnellement à peu près la moitié des
délégués, ce qui a été un atout majeur. Mes
collègues canadiens m’ont aidé à me faire
élire, en particulier mon « organisatrice », la
députée fédérale Sarmite Bulte, qui est très
connue dans le milieu de l’APC.
Comment fonctionne le comité exécutif de l’APC? Avez-vous
réalisé vos objectifs?
Le fonctionnement quotidien de l’Association est assuré par un secrétariat,
à Londres. Le comité exécutif prend en
considération et étudie les questions soulevées par le
personnel. Nous examinons et approuvons le budget de l’Association. Nous
tenons deux réunions par année, qui durent
généralement deux ou trois jours. Les réunions
s’étendaient auparavant sur quatre jours, mais j’ai
essayé de les rationaliser en veillant à ce que le comité
exécutif se concentre sur les grands dossiers et en laissant les
questions courantes au secrétariat. À la demande du comité
exécutif, le secrétariat a élaboré pour
l’Association un plan stratégique qui a été
envoyé à chaque section pour commentaires.
Le comité exécutif se compose d’une trentaine de parlementaires des
différentes régions du Commonwealth. Nous prenons habituellement
nos décisions par consensus, mais je demande parfois le vote pour
connaître la position de chacun.
Quels arguments invoqueriez-vous pour convaincre un député nouvellement
élu de se joindre à l’APC?
D’abord, tout dépend du député et de ses domaines
d’intérêt. Il existe d’autres groupes parlementaires
très importants, comme le groupe Canada-États-Unis,
l’association de l’OTAN, pour les personnes qui s’intéressent
à la défense, l’association Canada-Europe et quelques
organisations qui présentent un intérêt particulier pour
les francophones. Quant à l’APC, elle offre des expériences
diversifiées. En plus des grandes conférences, il y a de plus
petits colloques, des activités bilatérales, la surveillance
d’élections, les publications et la recherche pour les
parlementaires. Je ferais aussi valoir trois raisons bien précises de
faire partie de l’APC.
Premièrement, je pense qu’il est très important de se joindre à une
organisation dont les membres représentent la moitié de la population
mondiale. Deuxièmement, j’aime bien faire partie d’un groupe
de parlementaires qui discutent en leur nom propre et ne passent pas le gros de
leur temps à rédiger des résolutions ou à
débattre de motions ou d’amendements à des motions.
Troisièmement, la région canadienne est la seule occasion
qu’ont les législateurs fédéraux, provinciaux et
territoriaux de se réunir pour discuter de points
d’intérêt commun. Le fait que ces réunions se
tiennent de façon à ce que les conjoints et les enfants ne soient
pas exclus permet d’alléger les contraintes qui sont trop souvent
le lot des titulaires de charge publique.
Le temps que vous consacrez à l’APC vous a-t-il causé des
problèmes auprès des médias ou auprès des gens de
votre circonscription?
Le temps que je consacre aux fonctions de président du comité exécutif est
variable, mais c’est une charge qui est beaucoup moins exigeante que
d’autres que j’ai occupées, comme celles de président
d’un comité parlementaire, de président d’un groupe
de travail du premier ministre sur l’agriculture ou de secrétaire
parlementaire. J’ai des contacts téléphoniques avec Londres
une ou deux fois par semaine et, évidemment, avant les réunions,
je consacre beaucoup de temps aux préparatifs.
En dix ans, je me souviens d’un seul article très négatif paru dans la
presse, qui avait trait à une visite bilatérale à la
Barbade en hiver. Normalement, la presse ne semble pas intéressée
par nos conférences ou nos colloques. Quant aux gens de ma
circonscription, je suis sûr que ma participation à l’APC
n’est ni un avantage ni un inconvénient pour ce qui est de la
confiance qu’ils m’accorderont aux prochaines élections.
J’espère qu’au moins certains d’entre eux
reconnaissent et apprécient les atouts que peut représenter pour
eux et pour le Canada un député qui a fait des efforts
considérables pour établir des contacts dans une multitude de
pays.
|