Yvon Thériault
Le Contrôle parlementaire de la législation déléguée,
préparé par la Commission d'étude sur le contrôle parlementaire de la
législation déléguée, Assemblée nationale, Québec, 1983, 159 pages.
Les parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec
désirent contrôler les règlements qui découlent des lois adoptées. Ils sont
prêts à aller jusqu'au désaveu, si nécessaire. Telle est du moins une des
recommandations de la Commission d étude sur la législation déléguée. Coprésidée
par MM. Denis Vaugeois el Richard French, cette Commission a rendu public son
rapport, le 24 août 1983.
La Commission Vaugeois French comptait huit
parlementaires. Outre les coprésidents, elle se composait des députés Jacques
Baril, Réjean Doyon, Maurice Dupré, Henri LeMay, Pierre Paradis et Roland
Dussault, qui a remplacé M. Richard Guay élu à la présidence de l'Assemblée
nationale le 24 mars 1983.
Selon le président, le problème pose par la
législation déléguée est véritablement préoccupant. En 1982, l'Assemblée
nationale du Québec a voté 17 lois nouvelles et 37 lois modificatrices, alors
que le gouvernement adoptait de son côté 350 règlements nouveaux et 450
règlements modificateurs. Contrairement aux lois, ces règlements, qualifiés de fief,
royaume, chasse gardée de l'Administration, sont adoptés à l'insu du public.
Pourtant, cette réglementation, beaucoup plus considérable que la législation,
touche directement les citoyens, en précisant, pour chaque loi, les moyens, les
modalités, les règles, les normes, les qualités, les conditions d'application.
Une compilation menée sous la direction de M. Raoul Barbe en 1981 occupe dix
volumes de quelque 950 pages chacun et cette réglementation a continué
d'augmenter depuis. La Commission note à ce sujet : « L'impact d'une telle
réglementation est évident. Les uns s'en trouvent protégés, sinon surprotégés.
D'autres sont ennuyés, embarrassés, parfois paralysés dans leur action ».
Pour remédier à cette situation, la Commission a fait
l'unanimité sur deux recommandations principales adoption d'une loi sur les règlements afin de
fixer un cadre à l'exercice du pouvoir réglementaire et l'instauration d'un
système spécifique de contrôle parlementaire de la législation déléguée.
La loi proposée devrait recommander la surveillance de
la réglementation par le ministère de la Justice. la
publication des règlements au moins 90 jours avant leur adoption, une analyse
d'impact des règlements, leur enregistrement, etc.
L'élément principal de cette loi serait la création
d'un forum spécialisé, une commission de l'Assemblée nationale, voué
exclusivement au contrôle de la législation déléguée. Ce pourrait être la
commission de la Justice qui, au besoin, pourrait se doter d'une sous-commission. Les membres y seraient nommés pour toute la durée d'une législature
et recevraient l'appui d'un personnel spécialisé.
Les membres de cette commission ou sous-commission
pourraient choisir les projets de règlements à passer au crible sous l'angle de
leur légalité ou de leur opportunité. Il y aurait, le cas échéant, un débat sur
le bien-fondé, l'efficacité, le mérite, voire la nécessité du règlement
projeté. Les parlementaires seraient libres d'entreprendre des consultations
publiques et de faire témoigner les auteurs des projets de règlements.
Pour que cet exercice ne se révèle pas un simple
exercice académique, la loi donnerait le pouvoir à la Commission de faire
rapport à l'Assemblée nationale et, éventuellement, de faire état de ses
négociations avec l'Administration sur un projet de règlement, de dénoncer des
pratiques, d'ouvrir un débat. Si les négociations pour faire modifier un projet
de règlement s'avéraient vaines, la Commission pourrait aller jusqu'à
recommander le désaveu du projet de règlement.
Ce désaveu s'inspire de l'expérience australienne. Un
minimum de cinq députés représentant au moins deux formations politiques
pourraient présenter une motion qui serait débattue à l'Assemblée nationale. À
défaut d'être mise aux voix dans un délai raisonnable, la motion de désaveu
prendrait effet et le projet de règlement serait alors désavoué. Bien entendu,
une telle motion de désaveu ne devrait pas être considérée comme un vote de non-confiance envers le gouvernement. Autrement, il serait impossible de briser la
ligne de parti, empêchant ainsi le système de contrôle proposé de fonctionner
vraiment. Selon MM. Vaugeois et French, nombreux sont les députés qui, sur des
règlements, n'hésiteraient pas à profiter de la liberté de vote qu'on leur
accorderait. Cette éventualité est d'autant plus souhaitable que l'Assemblée
nationale du Québec est le parlement de type britannique où la ligne de parti
est sans doute la plus strictement appliquée.
Tandis que cette commission se chargerait de contrôler
les projets de règlements, le contrôle des règlements déjà en place pourrait se
faire par chacune des commissions de l'Assemblée nationale. N'importe quelle
commission pourrait en effet décider de revoir tout un secteur de
réglementation, comme la construction par exemple. Il s'agirait pour elle de
vérifier le bien-fondé, l'efficacité et le mérite des règlements en cause. Un
rapport serait soumis à l'Assemblée nationale.
Le document se termine sur les recommandations de la
Commission d'étude. En annexe se trouve une bibliographie commentée de
soixante-seize documents de divers pays sur la législation déléguée.
Yvon Thériault
Service d'indexation et de bibliographie
Bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec
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